Et si on devenait immortels ?

immortalitéL’idée de la mort est aussi ancienne que la vie. Depuis les débuts de l’humanité, la question de la mort hante toutes les questions religieuses, mystiques, biologiques ou littéraires. Toutes les religions essaient de répondre, chacune à leur manière, au mystère de la mort et au sens de la vie.

Dans les romans ou dans le théâtre, on meurt beaucoup. Toutes les grandes passions conduisent à la fin de l’existence. Comment imaginer Phèdre finissant sa vie gaiement, au bras de son beau-fils Hippolyte, Antigone ne défiant pas l’autorité et Juliette faisant des enfants à Roméo ?

Emma Bovary s’empoisonne, L’étranger de Camus est exécuté, et même le Petit Chaperon rouge finit mal, faute d’avoir obéi à sa maman.

Oui la mort est partout et pour cause, l’Histoire est emplie de morts violentes et juvéniles. Si Vercingétorix avait tout de même environ 32 ans à la victoire de Gergovie, Jeanne d’Arc a succombé à 19 ans dans le bûcher et Bernadette Soubirous quitta ce monde à 35 ans, juste après avoir prononcé ses vœux perpétuels.

Depuis 1750 où l’espérance de vie était de 25 ans en Europe, les progrès matériels et médicaux, ainsi que l’amélioration de l’alimentation n’ont cessé de faire croître l’âge de la vieillesse.

En ce début de XXIème siècle, on commence de penser peu à peu à vaincre la mort, ou en tout cas à la repousser le plus longtemps possible.

« L’homme qui vivra mille ans est déjà né », affirme le chirurgien neurologue Laurent Alexandre dans son livre « La Mort de la mort ».

mort

Au-delà des élixirs de jeunesse, chirurgie, Botox et des progrès de la science sur certains cancers ou la quasi éradication de maladies comme la tuberculose dans les pays développés, on invente toutes sortes de techniques permettant de régénérer le corps humain.

Le Journal du Net a ainsi récapitulé récemment toutes les techniques du futur :

  1. Fabriquer des organes de remplacement, voire même auto-réparer le corps grâce aux cellules-souches.
  2. « Reprogrammer » des cellules de personnes âgées en effaçant toute trace de vieillissement.
  3. Stocker la conscience dans un cerveau artificiel.
  4. Des prothèses bioniques, pour permettre par exemple de remarcher après un accident.
  5. Le check-up santé 24h/24h permettra, grâce à tous les objets  connectés d’anticiper infarctus et AVC.
  6. Les nano-robots pour réparer le corps.
  7. L’invention du sang synthétique et régénérant.
  8. Le cœur artificiel (de nouvelles expériences sont en cours suite au dernier échec connu)
  9. Etc…

Citons aussi la formidable découverte de Pierre-Marie Lledo, chercheur et neurobiologiste, sur la « fontaine à neurones » qui permettrait à notre cerveau de produire indéfiniment de nouveaux neurones, contrairement à l’idée reçue qui voulait que l’on en détruise chaque année un peu plus après 25 ans. (voir l’excellent article de CLES à ce sujet)

J’étais tellement heureux que je voulais mourir parce que le bonheur il faut le saisir pendant qu’il est là.

Romain Gary – La vie devant soi

Nous sommes donc bel et bien en train de repousser la mort dans les pays développés, même si la majeure partie du monde souffre encore de la malnutrition, des conflits armés et des perturbations climatiques.

L’idée même de l’immortalité, ou du moins d’une vie très longue, commence de poindre dans nos esprits. Il est donc temps de s’interroger sur le bouleversement philosophique et religieux que cette idée folle induit. La littérature s’est penchée sur ce thème, pour nous aider à réfléchir :

  • Tous les hommes sont mortels de Simone de Beauvoir : Si l’on nous offrait l’immortalité sur la terre, qui est-ce qui accepterait ce triste présent ? Le héros, Raymond Fosca, un prince Toscan du XIIIème siècle accepte de boire, après l’avoir essayé sur une souris, l’élixir d’immortalité. Il vivra donc des siècles et des siècles à travers l’Histoire, finissant par cauchemarder d’un monde où il se retrouverait un jour seul, avec pour seule compagne, la fameuse souris. Simone de Beauvoir conjecture, dans ce roman que la vie n’aurait de sens, que par par la finitude certaine qui la caractérise.
  • Le Grand secret de René Barjavel : des habitants isolés sur une île sont protégés de tous les chefs d’Etat du monde, pour éviter la propagation du grand malheur qu’est l’immortalité pour l’avenir de l’humanité.

Que serait la joie dans une existence sans fin ? De quoi aurions-nous encore envie ? Que ferait-on de la spontanéité, du courage, de la force et de la vérité ?

La vie d’un homme est son image. A l’heure de mourir, nous nous refléterons dans le passé, et, penchés sur le miroir de nos actes, nos âmes reconnaîtront ce que nous sommes.

Journal de André Gide

Notre monde explore chaque jour des voies qu’il convient d’appeler Progrès, mais sans repousser celui-ci, ne serait-il pas pertinent de créer au sein des gouvernements des comités de sages pour réfléchir à toutes les questions pratiques, morales et philosophiques qui vont nous être posées très rapidement en défiant les lois de l’antique Nature ?

Christèle

Pour aller plus loin :

Journal du Net sur l’immortalité : http://www.journaldunet.com/economie/sante/devenir-immortel/

4 réflexions sur “Et si on devenait immortels ?

  1. L’immortalité fait partie des plus grands rêves de l’humanité, avec la conquête de l’espace, suivant l’axe temporel et spatial. Cauchemar pour ceux qui craignent l’ennui comme la peste. Terrible horizon pour les impatients de nature, les malheureux chroniques et autres mélancoliques perpétuels. Perspective épouvantable pour tous les comptables des déficits publics et les chasseurs d’inégalités, ceux qui aperçoivent déjà l’effondrement des systèmes de protection sociale pour tous. Mirage infantilisant pour les observateurs scrupuleux des réserves de la Nature : dans la nature toute espèce est programmée pour vivre assez longtemps, ni trop ni trop peu, dans un souci d’équilibre général entre les espèces vivantes, tout au long de la chaîne alimentaire. Alors à quoi bon rejouer les apprentis-sorciers ? Et dans quel intérêt réel ?
    A l’heure où la science n’a toujours pas réussi à débarrasser l’homme de bien des maladies incurables, parfois orphelines, ni à vaincre des bactéries résistantes (notamment nosocomiales). Alors le rêve d’immortalité n’est-il pas aussi une façon de nous distraire ? de nous faire oublier un instant toutes les souffrances liées à la maladie, chez les jeunes et les moins jeunes ? Et espérer naïvement ce qu’il y a de plus fou et de moins naturel : notre « victoire finale » sur la mort ? La religion chrétienne avait inventé la résurrection. La science, moins poétique, veut « juste » nous promettre l’éternité…

    • Espoir dérisoire même, de l’homme sur la Nature. Comme l’ont souligné un certain nombre de lecteurs sur Linkedin, il vaudrait mieux apprendre à apprivoiser la mort, à l’accepter. Mais cela demande une grande maturité, dont l’Humanité a un peu perdu le sens, de par les rapides progrès apportés par le XXIème siècle.

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