Louis-Auguste Blanqui, dit L’Enfermé !

Il y a des sobriquets qui ne passent vraiment pas inaperçu, tel celui de notre nouveau « voisin de rue », un certain Louis-Auguste Blanqui, dit l’Enfermé. Pas d’internement psychiatrique ni de camisole de force, mais un destin qu’on pourrait qualifier a minima de tragique. Celui d’un individu rebelle qui perdit beaucoup de son temps dans les prisons de France. Pour mieux le cerner, voici le journaliste-philosophe-homme politique Louis-Auguste Blanqui en trois citations :

L’ idée de Dieu et les religions sont source et maintien de l’ ignorance, de l’ abrutissement, par conséquent de l’ esclavage et de la misère.

M. de Lamartine … est bien toujours le même, un pied dans chaque camp et sur chaque rive, un vrai colosse de Rhodes, ce qui fait que le vaisseau de l’Etat lui passe toujours entre les jambes.

Le capital est du travail volé.

Ce charmant monsieur, ennemi d’une grande partie de la classe politique, ne manque pas de lucidité ni de franc-parler. Il refuse de croire dans le progrès social en l’absence de lutte et de violence. Selon lui, le pouvoir des élites en place est tellement bien installé, qu’en dehors de toute insurrection, point de salut pour le peuple et ce qu’on a coutume d’appeler démocratie ! Le penchant naturel de Louis-Aguste Blanqui pour la révolution lui vaudra donc des séjours pénitentiaires à répétition.

Lors d’une audition devant la Cour d’Assise en 1832, Blanqui aurait déclaré : « Oui, Messieurs, c’est la guerre entre les riches et les pauvres : les riches l’ont voulu ainsi ; ils sont en effet les agresseurs. Seulement ils considèrent comme une action néfaste le fait que les pauvres opposent une résistance. Ils diraient volontiers, en parlant du peuple : cet animal est si féroce qu’il se défend quand il est attaqué. »

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N’en déplaise aux fanatiques du progrès social, nous sommes en droit, presque deux siècles après l’activisme du « camarade Blanqui », de nous demander si aujourd’hui la situation politique de notre chère démocratie a réellement changé. Certes le PCF, Lutte Ouvrière (difficile sans ouvriers délocalisés ou troqués contre des robots) et autres CGT-FO (cf. la fameuse « farce ouvrière » du regretté Coluche) font plus ricaner les masses qu’elles ne font frémir les élites. Le vieux rêve de révolution en douceur continue de bercer la majorité, tandis que l’idée même du « blanquisme » refuse catégoriquement tout compromis. Là se trouve, selon un certain Engels, le point de rupture entre les « extrémistes » de la lutte et les « modérés ». L’idée de Blanqui selon laquelle une minorité de personnes « bien organisée » peu faire basculer l’Histoire et entraîner derrière elle la masse du peuple, nous éloigne de nos représentations romantiques d’un peuple qui se soulèverait dans son ensemble et d’un seul coup…dans une belle peinture d’Eugène Delacroix !

L’intérêt du rebelle Blanqui est de questionner le pouvoir des masses populaires, telles que Karl Marx lui-même l’envisageait. Pour ce héros marginal du socialisme, point de changement réel sans un passage en force. Quitte à devoir installer, du moins temporairement, une dictature. Si on regarde un peu froidement les choses, cette thèse de l’Enfermé mérite le détour, même si elle n’a rien de très pacifique ! Mais comme le veut l’adage, on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs ! Insoumis, le révolutionnaire Blanqui refusera toute sa vie la compromission et les alliances politiques. Son intégrisme politique, il le payera au prix fort, se voyant condamné à la peine de mort, laquelle sera finalement commuée par Louis-Philippe.

Pour revenir à notre époque, à mesure qu’inexorablement se creusent les écarts de tout poil, et que rien de très sensible n’est fait pour que la vie politique ne s’améliore (pouvoir des lobbies, alternance trompeuse, déplacement des lieux de décision/négociation, absence de débat démocratique…) l’observateur lambda peut s’interroger sur la pertinence des révolutionnaires aseptisés, ce qui pourrait plaider pour un retour en force des idées de « l’Enfermé ».

A l’heure où le gros des troupes de la nation française (ou ce qu’il en reste) demeure abasourdie par la multiplication des crises (économique, sociale, environnementale, philosophique, scolaire, etc.) et si peu confiante en l’avenir, un rapide coup d’oeil à la vie d’un tel hurluberlu de la politique a au moins le mérite de déplacer un peu le débat et les perspectives du changement. Ce changement social qui excite les uns autant qu’il effraye les autres, poussant justement un Blanqui à refuser de croire en tout consensus de masse…

Laurent

Biographie de Louis-Auguste Blanqui à retrouver sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Auguste_Blanqui

 

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