Passage étroit

Dans notre jeunesse étudiante, on nous disait qu’il fallait suivre l’actualité. Que pour bien vivre avec son temps, connaître le monde et son évolution, il fallait lire, écouter, voir. S’informer !

Et puis un jour on se réveille et on constate que le monde est divisé entre info en intox, et que l’infobésité menace. De l’autre côté de ce spectre informationnel, un autre terme étrange, importé du Japon, est arrivé jusque chez nous : hikikomori. Une forme de vie recluse, touchant les plus jeunes, à l’abri chez leurs parents comme dans un bunker. Mais pas déconnecté numériquement, loin s’en faut.

Alors entre fermeture totale au monde, fermeture partielle – qui vise principalement la « vraie vie », épargnant le monde virtuel, qui semble rester under control par cette jeunesse apeurée – et ouverture totale au monde tel qu’il est, qu’il soit réel ou virtuel, avec à la sortie le risque de trop plein, qu’il est compliqué de se frayer un chemin !

Trouver le passage étroit entre réclusion volontaire et ouverture à tous vents. Trouver le bon passage, celui qui nous sied, nous convient. La tâche est ardue. D’autant plus ardue qu’elle sera forcément très personnelle. Position vertigineuse, inconfortable, sans aide extérieure, seul face au monde ! Car si l’on admet un certain niveau de toxicité ou, du moins, de dangerosité, face à toute exposition médiatique, informationnelle, cognitive et émotionnelle, au final nous sommes bien seuls face au choix de notre exposition.

Au fond, depuis toujours nous avons dû choisir notre degré d’exposition aux autres, via la tradition orale (l’heure du conte dans les crèches en est l’un des dernières héritières) ou via l’écrit, le livre, depuis la diffusion de masse permise par l’imprimerie. Il est toujours tentant de critiquer ou de questionner la pratique des autres en matière d’information, et cela sans même effleurer leur opinion personnelle. Comme il est toujours tentant de critiquer notre rapport au divertissement. A chacun ses préférences, ses lubies, ses addictions. Qui à son téléviseur, qui à son smartphone, préférant tel ou tel réseau social…

Reste toujours cet équilibre entre réel et virtuel, entre information et divertissement. La technologie n’a fait que brouiller les limites entre le soi-disant sérieux et le futile, de même qu’il devient de plus en plus compliqué de distinguer faits et opinions, information et publicité (voire propagande). Le monde était bien plus simple, lorsque nous ne vivions pas encore dans cette surabondance, cette ère informationnelle.
De nos jours, il faut se frayer un chemin et il faut sans cesse choisir entre d’infinies possibilités. A moins, bien sûr, d’apprendre à se déconnecter, un peu comme on essayerai le jeûne alterné…

Laurent

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