La périlleuse ‘invasion des Talibans en Afghanistan, avec l’appui des services secrets afghans et occidentaux, CIA en tête, aurait été motivé, comme il se doit en géopolitique, par des intérêts économiques de la plus haute importance. La prédation, sport historique occidental qui remonte à bien avant Christophe Colomb ou Marco Polo, n’a guère laissé de traces dans les manuels scolaires de France ou d’ailleurs. Mais d’oléoducs en grands projets d’infrastructures, un sentiment d’impunité semble aujourd’hui dominer. L’homme peut bien s’arroger tous les droits, tant pis pour les devoirs. Il suffit d’apprendre à fermer les yeux.
Chaque fois, le même enchevêtrement d’événements douteux finit par entraîner les mêmes effets géopolitiques, tout particulièrement au Moyen-Orient, mais pas uniquement ! En Iran, en Irak, en Syrie ou en Libye, la même séquence morbide se répète. Depuis les accords Sykes-Picot, coup de poignard dans le dos de l’empire Ottoman en fin de vie, l’occident a accéléré la déstabilisation de cette partie du monde. Que n’a-ton pas fait pour l’or noir et pour tant de sources d’énergie et de minerais ? Notre réflexe de prédateur s’étend, dans les faits, aux quatre coins du monde ! Il est difficile aujourd’hui de ne pas croire que le « modèle dominant » de l’homme moderne occidental n’est ni viable ni transposable à l’ensemble de la planète.
Nous avons eu l’impression trompeuse que 150 ans d’exploitation d’hydrocarbures ne seraient qu’un différend entre l’Europe (et les Etats-Unis dès lors que leurs réserves de pétrole conventionnel avaient fondu) d’une part, et le Moyen-Orient d’autre part. Mais quel manque de clairvoyance que de limiter la portée de notre prédation à la seule question de l’énergie ! Alimentation, matières premières, loisirs, habillement : tout passe par la prédation et nos pulsions extractivistes. L’homme moderne s’est coupé du monde réel. Il s’est désensibilisé et éloigné de la nature. Une nature qu’il consomme à toutes les sauces, sous forme de produits made in world. Du fin fond de l’Amazonie jusqu’au pôle Nord, notre déconnexion est contraire à notre vraie nature. La sagesse et l’intelligence collective, si caractéristiques des peuples premiers, a chez nous, dans le monde dit « développé », vite été dénigrée.
Face à la prédation et à la surexploitation, le droit, le bon vieux droit, a toujours plusieurs trains de retard ! Tiens donc, mais qui peut autant freiner ? Sitting Bull et ses congénères peuvent se retourner maintes fois dans leurs tombes, au vu de l’impunité des puissants du moment. Pour la première fois, en marge de la déjà oubliée COP21, s’est tenu début décembre 2015 le Tribunal des droits de la nature. Délire d’écolos utopiques ou juste retour des choses ?
L’idée est purement révolutionnaire : pouvoir attaquer, par voie judiciaire, autant les états que les entreprises. « Le Tribunal propose une alternative systémique à la protection environnementale, en reconnaissant aux écosystèmes leurs droits à l’existence, au maintien, à la préservation et à la régénération ; et aussi que ces droits puissent être revendiqués en Justice. Il s’attache aussi à offrir une voix aux peuples autochtones afin qu’ils partagent avec la communauté mondiale leurs préoccupations et leurs solutions singulières concernant la terre, l’eau, l’air et la culture. » Alors, si le XXème siècle aura été celui du droit à la mort (génocides, guerres, effacement de la biodiversité et de la diversité culturelle), et si le XXIème siècle, dans un réflexe salvateur, devenait celui du droit à la vie ?
Du haut de ses 85 ans, l’indien Raoni peut se dire qu’il était temps, avant que sa grande forêt n’ait totalement disparu. D’après certains calculs, nous arriverons bientôt à 50% de destruction des espaces naturels, cette matrice commune à la nature et à l’homme. Alors en attendant les improbables, inaccessibles exoplanètes (autant de « plans B » dignes des BD de science-fiction) l’heure des comptes sonne en permanence. L’alarme n’arrête pas de retentir et sur le banc des accusés, il n’y a plus moyen de se cacher !
Depuis des lustres, les principales victimes historiques de la prédation du monde industriel alertent le monde sans être entendus. Qui se souvient de l’appel du chanteur Sting, ami de ce même Raoni. A l’ère de l’anthropocène, l’homme tente avec quelques rustines de colmater les brèches du grand titanic industriel. Mais le jugement du divorce entre l’homme et la nature est bloqué. Les grandes entreprises, avec la complicité des plus grandes puissances économiques, freinent des quatre fers et poussent la justice dans l’ornière. Techniquement, cette ornière se nomme privatisation de la justice, avec moult arbitrages privés où 9 fois sur 10, c’est la sphère publique (et la démocratie) qui perd, et la sphère privée qui gagne.
Mais la sphère publique n’a pas dit son dernier mot. Et déjà la jurisprudence fait progresser la protection de l’homme et de la nature. L’arme fatale est déjà dans les cartons ! Elle se nomme concept d’écocide, plus large que celui de génocide. Car autant le génocide, malgré son horreur intrinsèque, est limité dans le temps. Autant l’écocide, sur le temps long, s’il est reconnu, pourrait permettre de mieux coller à la réalité de la disparition sournoise, à petit feu, d’une partie de l’humanité. Cette humanité dite des peuples premiers, si interdépendante de la nature qui l’abrite, d’Amazonie à la Papouasie-Nouvelle Guinée.
Deuxième arme fatale : la Cour Pénale Internationale de La Haye. Car plutôt que de créer ex-nihilo un nouveau tribunal spécifique aux écocides, il est plus rapide, quoique complexe, de mettre en place une chambre de juges à même de traiter du sort de ces affaires qui opposent David contre Goliath.
Il serait temps, après la longue lutte du droit civil (dommages et intérêts), le débat s’élève au plan pénal, histoire de responsabiliser davantage les milieux économiques et financiers. A quand un droit transgénérationnel, plus protecteur des générations futures ?
Laurent