Depuis Boris Cyrulnik et quelques comparses, la résilience est devenue un thème à la mode. Depuis la Shoah et d’autres tragédies à plus ou moins grande échelle (individu, pays, civilisation…) la résilience nous revient comme un boomerang, peut-être en écho aux multiples crises systémiques (financière, économique, sociale, écologique…) que nous traversons !
Un petit détour loin des hommes s’impose pourtant. Car si l’homme possède des trésors d’adaptation, de résistance et de renouvellement, que dire de la résilience des autres espèces, fussent-elles animales ou végétales ? Mais de quoi parle-t-on en matière de résilience ? De capacité d’adaptation à un environnement changeant. Adaptation aux changements saisonniers (saison chaude ou froide, sèche ou humide). Adaptation aussi à des ruptures, sans retour en arrière (contrairement aux crises qui supposent un « retour à la normale »).
Il suffit d’observer l’hibernation de certaines espèces animales, cette capacité de ralentir leur métabolisme (rythme cardiaque, température, consommation énergétique). Au fond des océans, nous savons depuis des recherches à Yellowstone (années 1960) à quel point certains êtres vivants sont capables de résister à des pressions qui nous, humains, nous tueraient instantanément. Résistance aussi à des températures extrêmes, près de sources hydrothermale (on parle alors d’organismes hyperthermophiles, à des températures où notre sang commencerait à bouillir !)

sources hydrothermales
De retour sur la terre ferme, le scorpion est un animal qui souvent nous dégoûte ou nous effraie. Mais c’est ignorer la résistance de ce cousin de l’araignée aux variations de température. Le scorpion est aussi l’un des rares animaux capable de résister à un accident nucléaire (jusqu’à 150 fois plus résistant que l’homme). Étrangement, cet animal n’aurait quasiment pas évolué depuis son apparition, ce qui laisse penser que ses caractéristiques sont quasiment parfaites. Il a besoin de très peu d’oxygène, pourrait tenir 1/2 heure en plein désert sous le soleil brûlant. Il peut jeûner – en captivité, sans nourriture mais avec de l’eau – et ce jusqu’à trois ans !
Plus près de nous, l’intellectuel français est une « espèce humaine » parfaitement acclimatée au climat tempéré français, dotée d’une incroyable résilience à rendre jaloux un scorpion ou un protozoaire thermophile 😉 A l’image d’un Jacques Attali (X-Mines + ENA, rien de moins) ou d’un Alain Minc (Sciences PO – ENA) et de bien d’autres « sherpas » de la Vème république. Mais leur histoire n’est pas qu’une histoire de labels scolaires. Leur résilience trouve ses racines dans une histoire familiale souvent tragique, une confrontation à des épreuves parfois traumatisantes mais qui montrent bien que « ce qui ne tue pas rend plus fort ».
A la fin des années 1980 (celles du « mitterrandisme », président royal au port altier), ces individus intellectuellement brillants et dotés d’une apparente agilité similaire à celles du caméléon, ont su traverser les tempêtes de la chute du Mur de Berlin, l’austérité ou la décomposition de l’Etat-Providence, jusqu’à s’adapter aux nombreux chocs du début du XXIème siècle (mondialisation débridée, crise de 2008, crise écologique et sécuritaire).
source : jeanpierrecorniou.typepad.com
Là où de nombreux individus auraient probablement sombré dans les oubliettes du paysage médiatique, ces génies de la « pensée moderne en action » ont toujours su rebondir ! Pour mieux nous surprendre, avec ce sentiment d’être toujours en avance sur l’air du temps. On peut se demander si cette résilience, ou cette intelligence de la « France en marche », n’est pas à rapprocher d’une autre résilience : celle du capitalisme… Un système qui bon gré mal gré a jusque-là toujours su rebondir et se réinventer ! A l’image de la destruction-créatrice chère à Joseph Schumpeter (concept hérité de Marx et employé en 1942) et ses corollaires : l’entrepreneuriat, la concurrence et l’innovation permanente.
Comme tout concept un jour à la mode, la résilience sera-t-elle un jour ringardisée ?
Laurent