Zep, le père du cultissime Titeuf, signe de temps en temps des albums de BD assez éloignés des aventures de son jeune antihéros. Le genevois Philippe Chappuis – le vrai nom de Zep – vient de récidiver en avril dernier avec l’album one shot intitulé The End. Il s’agit là d’un thriller environnemental basé sur un contexte de fin du monde, porte ouverte à toutes les poussées créatives.
Au passage, Zep, qui comme on l’aura compris est fan de Led Zeppelin, a été à la pêche aux informations scientifiques les plus récentes sur notre compréhension du monde, des liens entre le règne végétal et le règne animal. Et l’homme dans tout cela…
Récemment interrogé à la radio, Zep annonce la couleur : « Nous sommes les derniers arrivés [sur terre] on ferait mieux de la fermer et d’écouter ce que les autres espèces ont à nous dire ». Cette injonction et cet appel à l’humilité peut être étendu aux autres cultures, aux civilisations anciennes, aux traditions oubliées…
Lui qui dit ne pas avoir complètement oublié son histoire personnelle, qui pense vivre encore en partie dans l’enfance, voudrait en somme que nous revenions tous un peu dans notre propre jeunesse. Pour relativiser notre propre existence en mode adulte, pour accepter aussi la jeunesse du monde qui nous entoure.
Car au fond, même les montagnes – celles qui entourent Genève et les autres – peuvent être jeunes. Dirait-on des Alpes ou de l’Himalaya qu’ils ont atteint l’âge adulte ? Sont-elles entrées dans une grande phase de stabilité, sans croissance ni tremblement de terre ? Au-delà du monde minéral, le végétal aussi aurait beaucoup à nous apprendre. Et Zep de rappeler que nous ne n’en sommes qu’au début de la découverte de l’intelligence du végétal et notamment des interactions entre les arbres et le reste du vivant.
Les religions et certaines philosophies ne nous ont pas aidé, nous faisant croire à notre supériorité sur le reste du vivant. Erreur fatale si l’on se réfère à l’intrigue de The End… Car les arbres, s’ils n’ont la capacité de fuir (propre aux animaux, avec tout ce que cela peut impliquer), ont par contre une intelligence supérieure dans leur capacité à modifier leur ADN au cours même de leur existence. D’où leur incroyable résilience, à comparer avec notre relative fragilité, notre inertie collective, notre aveuglement parfois.
« Hôte de la planète »
L’éminent botaniste Francis Hallé, auteur de « 50 ans d’explorations et d’études botaniques en forêt tropicale » a largement inspiré Zep. Au point de s’incarner dans The End en Professeur Frawley. Dans un scenario apocalyptique, Zep que le Point qualifie de « joyeusement pessimiste » a laissé de côté son cher Titeuf. D’un coup, Zep bascule, le temps d’un album, de l’enfance à l’âge adulte. Fini le style humoristique, voici Zep en mode réaliste.
Laurent