Le grand retour d’Emmanuel… Sieyès !

Grand inspirateur de la Révolution française (avec un r majuscule, c’est plus clinquant), Emmanuel Sieyès aurait déclaré ceci :

Qu’est-ce que le tiers état ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent ? Rien. Que demande-t-il ? À devenir quelque chose

Propagande ordinaire publiée en janvier 1789, l’interrogation de cet autre Emmanuel fait étonnamment écho à l’entreprise des apprentis-citoyens des temps modernes. ZAD de Sivens, ZAD de N.D. des Landes, Gilets jaunes et Sans-culottes, même combat ?

Alors que l’on ne parle presque que de la violence de quelques esprits échauffés, du rapport de force avec la police ou encore du côté déstructuré du mouvement, chaque Français aurait pourtant intérêt à prendre un peu de recul historique. Un exercice d’équilibrisme sur le fil du temps pour mieux percevoir les motifs mais aussi les utopies défendues par les manifestants d’aujourd’hui. Et ceux d’hier aussi.

Si 1789 a ouvert une période très troublée et mouvante, penchant tantôt vers la république, en mode essai-erreur, tantôt vers une forme de totalitarisme néo-royaliste, la Révolution française aura ouvert la voix à l’expression du suffrage censitaire puis universel. Ce faisant, la France aura fait l’expérience de la démocratie représentative. Et pour faire un rapide raccourci, le Général De Gaulle aura transformé les institutions et la répartition du pouvoir avec l’avènement de la Vème République, en 1958. Hormis quelques heurts, notamment en 1968, la France aura surtout surfé sur la croissance économique et plutôt bien vécu cette expérience politique inédite. Elle aura même réussi à lancer son fameux « ascenseur social ». L’expérience démocratique demeure inédite, elle se détacherait presque totalement du lourd héritage monarchique qui est le nôtre ! Et pourtant. Comparée à un pays comme la Suisse, qui pratique la démocratie depuis 1291, la France ressemblerait presque à un amateur, un pays qui cherche encore la solution sans vraiment la trouver.

Malgré tout, la désillusion face à la Vème République, qui centralise le pouvoir et finit par faire ressembler les présidents à des monarques, use la confiance populaire et irrite plus d’un citoyen. Les représentants élus, avides de pouvoir, se sont éloignés de la réalité du terrain, que ce soit du côté de l’Élysée ou du côté du Parlement. D’ailleurs plus aucun parlementaire n’est issu de la base, des laissés-pour-compte de la mondialisation. Ce qui fait dire à certains observateurs que nos chers politiciens ne représentent plus qu’eux-mêmes ! La France pourtant semble attachée à sa Vème République comme elle l’est à la mémoire de son chef suprême, De Gaulle, héraut de la Résistance et défenseur de la Nation face aux convoitises autant allemandes qu’américaines.

La France véhicule à l’étranger l’image d’un peuple révolutionnaire. Mais dans les faits, nous battons les records d’abstention devant les urnes et ce sont presque toujours les mêmes qui prennent la peine ou s’accordent le loisir de descendre dans la rue. Nous vivons dans un tel confort, comparé à tant de pays y compris comparé à nos voisins européens, que nous ne ressentons que très peu l’urgence de monter au créneau. Confort matériel, assistanat et aveuglement face aux élites forment un cocktail soporifique. Jusqu’au prochain sursaut de rébellion. Et si la France a elle aussi subi le contre-choc de la crise globale de 2008, les effets de cette dernière n’ont rien à voir avec ce qu’ont subi les États-Unis, l’Espagne ou l’Italie. En cette fin 2018, la question d’Emmanuel Sieyès sera-t-elle entendue par Emmanuel 1er ?

Laurent

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