D’après l’éthologiste Richard Dawkins, l’idéosphère est au monde des idées ce que la biosphère est au monde des animaux. Ce serait le lieu où les esprits – petits ou grands – se rejoignent. A la manière d’une espèce animale, les idées auraient leur existence propre. Elles vivraient et évolueraient de manière autonome. Les idées changeraient au gré des circonstances et se multiplieraient jusqu’à atteindre un pic et décliner ensuite.
L’exemple du concept de Dieu est à ce titre assez significatif de l’idéosphère. L’idée de Dieu a largement évolué, tant géographiquement, dans l’espace, qu’historiquement, dans le temps. Le concept du polythéisme a perdu de sa superbe au bénéfice du monothéisme. La tradition orale a été supplantée par la transmission écrite, d’où les fameuses « religions du livre ». Mais l’animisme chamanique, d’une part, et la philosophie bouddhiste d’autre part, n’ont pas disparu du tout de l’idéosphère, y compris dans les contrées dites occidentales…
L’idée de Dieu a muté parfois sous des formes bénignes mais atypiques (cf. les Amish ou les Mormons, aux États-Unis) ou parfois sous des formes malignes (cf. la survivance de sectes et autres dérives extrémistes). Le mot gourou, d’ailleurs, viendrait du sanscrit guru signifiant le maître, le professeur, l’enseignant. Un enseignant mi-homme mi-dieu, à l’influence certaine sur les autres.
Au début du XXème siècle, une idée a germé dans quelques esprits, ce fut l’idée de communisme. Un peu à la manière de l’idée de Dieu, celle-ci, quoiqu’assez différente dans le fond de la précédente, allait rassembler des millions d’individus autour d’une destinée commune. Cette idée allait se répandre dans toute l’idéosphère, donnant naissance soit à des régimes dits communistes, soit à des mouvements contestataires, des contre-pouvoirs, qui allaient donner lieu à de nombreuses avancées sociales, tout au long du XXème siècle. Mais avant même que le communisme ne termine sa contagion mondiale, le capitalisme lui-même chercha à s’adapter à cette nouvelle donne de l’idéosphère. Il se mua en libéralisme, touchant autant la gauche que la droite de l’échiquier politique, dans une vision très polarisée du monde des idées !
Tel un parasite, le capitalisme se mit à infecter les organismes les plus immunisés (a priori) au cœur de l’ex-URSS et au cœur de la République Populaire de Chine. Mais aujourd’hui, tout cela peut nous sembler très loin, à l’heure dite de l’accélération. Il est difficile d’imaginer que l’idée, par exemple, d’Internet, a déboulé dans nos vies il y a déjà plus de 20 ans ! L’hyper-connexion, les réseaux sociaux, les médias alternatifs font partie de notre quotidien. Alors l’accélération de la diffusion des idées (y compris des plus disruptives comme… la disruption !!) va-t-elle vite devenir obsolète ? Va-t-on assister à un grand retour de balancier ? A la manière des pulsions centripètes, du retour vers la Nation, suite à la fièvre centrifuge de la mondialisation ?
Mais cela n’est qu’une idée, une idée parmi d’autres, au sein de l’idéosphère.
Laurent