L’économie, c’est a priori simple, voire simpliste. C’est pourquoi le sujet plaît, comme l’attestent les ventes de magazines « Canada Dry » de l’économie, entre tops et flops, entre dollars coulant à flot et misérables faillites. Longtemps, l’économie a ressemblé à de l’alchimie ou à un savant équilibrisme. Relancer la consommation, dévaluer la monnaie, limiter l’inflation, baisser les taux d’intérêt : pour le commun des mortels, spectateur assidu, ces manœuvres économiques avait une impression de facilité. Selon une logique imparable. Longtemps il a pu croire que les pouvoirs publics contrôlaient la situation, derrière leurs gros ordinateurs du côté de Bercy. Tel un médecin généraliste devant se faire entendre y compris par le plus « Simplet » de ses patients, le ministre de l’économie exposait son diagnostic, prescrivait le traitement et c’était « affaire classée ».
REMAKE DES TRENTE GLORIEUSES
L’économie moderne est née en même temps que la révolution industrielle, alors excusons son caractère très mécaniste. « La Mécanique Économique pour les Nuls », auraient pu écrire Smith, Say et autres Ricardo ! Les échanges internationaux se grippent ? Mettons donc un peu d’huile dans les rouages, resserrons quelques boulons, et ça va bien repartir… Au besoin, quelques incantations, une chasse aux « grains de sable » (protectionnisme, carcan administratif, régulation) et « ça ira mieux demain », comme disait la chanson. Des États, apeurés par les évènements de 2008, tentent de se protéger des affres de la mondialisation, qu’ils affrontent le dogme du laisser-faire. Alors ne nous étonnons pas que la sacro-sainte croissance, la mère de toutes les vertus économiques, nous tourne le dos. François Lenglet nous avait pourtant averti dans « La fin de la mondialisation ». Aux fanatiques du « business as usual », partisans amnésiques d’un retour à la normale (comme avant 2008), tout cela n’est guère concevable. A peine remis de la fin de nos Trente Glorieuses, la croissance des émergents nous fait le coup de la panne ? Fini le temps des certitudes, de l’innocence économique. Et comme tout s’accélère, technologie et gains de productivité aidant, la croissance des émergents, un remake accéléré de nos Trente Glorieuses, « ne durera pas autant que les impôts ».
La pilule ne passe pas chez certains économistes. Alors qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Sortons un nouveau Plan Marshall ou un New Deal, investissons comme le propose le grand manitou de l’Europe, Monsieur Juncker ! Refusons de sombrer dans la stagnation ou, pire, la dégringolade. Par peur de perdre notre status. Peur de se « payer la honte », d’être la risée du monde. Horizon existentiel insupportable…
MICRO/MACRO
Pour peu qu’on se soit un jour intéressé à l’économie, on remarque toujours l’importance de l’échelle à laquelle l’économie s’applique. A l’échelle des agents économiques de base, on parle de microéconomie, au plus près du comportement réel des entreprises, des ménages, des offreurs et demandeurs de produits ou de services. Jusque là tous les Simplets que nous sommes peuvent suivre… Puis les choses se corsent quand on prend de la hauteur, en direction de la macroéconomie. Modèles économiques édifiés par quelques matheux boutonneux. Chers Simplets, vous qui laissez vagabonder votre imagination, veuillez passer votre chemin. Car l’économie néoclassique, à grand renfort de calculs, est une chasse gardée ! Le Prix Nobel d’Economie, en fait « Prix de la Banque Centrale de Suède en mémoire d’Alfred Nobel » remercie régulièrement les défenseurs de la pensée unique économique, pour leur œuvre collective d’entretien du mythe. L’accès aux esprits dissidents est plutôt limité, au vu du profil des lauréats du pseudo Prix Nobel…
EXTERNALITÉS
Plus le temps avance, et la croissance économique s’étend dans le monde, et moins la macroéconomie ne peut longtemps passer sous silence les effets externes (ou externalités) des échanges économiques. Sans quoi la science économique risquerait alors de passer pour une escroquerie ! L’économiste James Meade avait identifié une externalité positive entre un apiculteur et un arboriculteur, l’un bénéficiant des services de l’autre en l’absence, pourtant, de transaction ou d’échange marchand entre les deux entrepreneurs. C’était, pour les abeilles et ceux qui récoltent leur aimable production, avant quelques désagréments toxiques. Quant à l’externalité négative, ou « déséconomie », elle renvoie au principe du « pollueur-payeur » et, plus généralement, au principe de responsabilité sociétale et à l’utopique développement durable. Taxe carbone, marché de droits à polluer, bonus-malus automobile et autres subventions « vertes » sont autant de pistes envisagées par les pouvoirs publics. Car une entreprise, rendue responsable d’une externalité négative, ne peut être juge et partie. Les législateurs voient leur rôle renforcé, n’en déplaise aux partisans d’un Etat réduit à un rôle policier et éducatif. La bonne volonté individuelle ne suffit pas, il lui faut un cadre cohérent et des règles du jeu partagées.
COUT TOTAL
La microéconomie et la macroéconomie finissent par ce rejoindre sur un nouveau défi : celui de rester crédible et digne d’intérêt autant pour les « parties prenantes » (actionnaires, clients, fournisseurs, salariés en microéconomie) que pour la société dans son ensemble (en macroéconomie). Réapprendre à compter en « coût complet » (TCO), et tant pis si cela bouscule quelques vieilles habitudes un peu obscures, issues de l’économie de Simplet.
L’économie de Simplet était tombée sur un os, venant buter sur des problématiques qui sortent du champ d’étude de l’économie. Devrait-on offrir aux économistes des stages « d’autre chose » (que d’économie), si possible loin de tout supercalculateur et des mathématiques ? Revenons vite sur le terrain de la microéconomie. Ici des milliers d’acteurs économiques se félicitent de l’action des pouvoirs publics, sans complaisance mais pour souligner l’exemplarité des nouvelles lois, normes et réglements (au niveau national ou européen) en faveur d’une plus grande protection de l’environnement et de la santé. Ils sont entrepreneurs, consommateurs, citoyens tout à la fois. Ils innovent au quotidien. Mais pour certains acteurs économiques, le sursaut réglementaire, symbolisé en France par le Grenelle de l’environnement et le projet de lois sur la « Transition énergétique pour la croissance verte » est une épine dans le pied. Un défi pour les acteurs économiques les moins vertueux, les plus gros générateurs d’externalités négatives. La fin de l’impunité, à l’heure d’Internet et des dénonciations en ligne ? Menaces pour les uns, opportunités pour les autres !
MATURITE ECONOMIQUE
Le monde économique se complexifie, arrivant à maturité, après un long périple autour du monde. L’économie enfle et parfois éclate dans sa sphère financière, déconnectée de l’économie réelle. Mais l’économie s’enrichit aussi, intellectuellement, au contact d’autres disciplines. Elle se confronte à d’autres sciences « molles », de la sociologie à la psychologie en flirtant, pourquoi pas, avec la philosophie. L’économie se risque même à un rapprochement avec sa cousine l’écologie. L’hybridation devient tendance et ouvre de nouveaux horizons à tous ceux qui veulent bien faire l’effort de penser en-dehors du cadre ! L’homo œconomicus, notre Simplet, sort peu à peu d’une lutte sauvage contre la nature. Comme les six autres nains, de retour de la mine. La sauvagerie, la prédation et la rivalité faisaient partie de la normalité cachée de l’économie. La faute à notre interprétation de Darwin, de lutte des classes en lutte commerciale. Depuis peu notre Simplet, qui revit au grand air, mûrit. Il souhaite vivre davantage en symbiose avec les autres espèces et avec les siens.
Laurent