L’Histoire n’existe pas

Vous vous souvenez de Richard Virenque et de sa célèbre exclamation : « on m’aurait menti à l’insu de mon plein gré » ? En pleine affaire de dopage, le coureur cycliste feignait de ne pas savoir ce qui lui était arrivé, et se plaçait d’emblée du côté des victimes. Mais c’était sans compter sur les dessous de l’histoire et sur certaines révélations, en marge des petits arrangements entre la justice, les médias et le sport-business.

Il y a les affaires et les petites histoires, rubrique « faits divers ». Et puis il y a l’Histoire ! La « vraie », l’officielle. L’histoire des manuels scolaires. L’histoire telle qu’elle est dite aux enfants par l’Éducation Nationale, privée ou publique. Avec un grand H. Le programme officiel, cet ensemble de savoirs, ce récit national issu d’une longue tradition. Et comme la langue française aime jouer avec la hiérarchie, l’Histoire n’a bien entendu pas grand chose à voir avec les « petites histoires », ces « salades » que quelques « conteurs » dissidents distillent de temps en temps, à qui veut bien les entendre.

L’Histoire a besoin de résonner dans le coeur des hommes, de développer un sentiment d’appartenance nationale. L’Histoire semble souvent se passionner pour les batailles victorieuses, pour les grandes guerres. L’Histoire ne sait pas trop quoi dire, a contrario, sur les temps de paix. A la rigueur, il y a bien quelques trèves de confiseurs ! Mais le combat pour la grandeur de la nation (fut-elle française, britannique ou russe) tient le haut du pavé. L’Histoire, un sport de combat !

histoire

Sauf qu’en fait, à y regarder de plus près, l’Histoire n’existe pas ! Prenons un exemple exotique d’abord : l’Histoire de Chine, telle qu’elle est enseignée aux petits chinois. Le récit officiel aborde la question du Tibet comme celle d’une région, un peu comme l’Alsace ou la Lorraine en France. Une région parfois rebelle, un tantinet tire-au-flan, point. Le Tibet ne serait rien d’autre qu’une région assez pauvre aux confins du vaste empire. Et pourtant, entre 629 et 877, sous l’impulsion de la dynastie Yarlung, l’empire Tibétain n’aura de cesse de s’accroître bien au-delà du plateau éponyme. Les Tibétains envahissent même  la capitale de la Chine (dynastie Tang), Chang’an, en 763. Mais n’allez pas dire cela à quelques dignitaires ou haut-fonctionnaires de Pékin…

Prenons un autre exemple, plus récent : la guerre en Irak (2003-2011), sous l’impulsion des États-Unis. Qu’est-ce qu’un livre d’Histoire américain expliquera à ses enfants ? Qu’est-ce qu’un livre d’Histoire français racontera ? Et enfin, comment sera rapporté le même événement aux enfants iraquiens ? Il n’y a pas d’Histoire. Il n’y a que des points de vue.

Alors ce qui compte, c’est la dignité de la nation, contre vents et marées. Parfois, aux rêves de grandeur s’ajoute un manque de considération pour la partie adverse, surtout lorsqu’elle est du côté des vaincus. Aussi, l’humiliation infligée à l’Allemagne par un certain Clémenceau, héros français du début du XXème siècle n’est-elle que peu étudiée en France. Car on préfère insister sur les dérives de l’Allemagne à partir des années vingt. Comme si la négociation pour la paix, lors de l’Armistice de 1918, n’avait été qu’une formalité sans plus d’enjeu. Mais Clémenceau avait-il conscience des conséquences d’un « deal » gagnant-perdant pour son ancien ennemi ?

Plus récemment encore, l’Histoire grecque des années Tsipras donne dans le tragi-comique. Telle une scène de théâtre (l’Histoire est toujours théâtrale) avec d’un côté les méchants politiciens et fonctionnaires grecs et de l’autre, les braves banquiers allemands. Ainsi l’on oppose, caricaturalement, la vertu de la bonne gestion germanique, aux excès et à la corruption irresponsable de la Grèce. La rationalité d’un côté, chez les créanciers, et l’inconséquence, chez les débiteurs. « Vous aimez échouer, nous aimons réussir », aurait osé dire un parlementaire allemand à son homologue d’Athènes. Encore une sombre affaire « gagnant-perdant » !! Au moment historique où l’Europe tout entière cherche une porte de sortie, il est beaucoup trop tôt pour tirer un trait sur ces événements. Mais il y a fort à parier qu’une fois encore, l’Histoire n’existera pas ! Il y aura plusieurs versions de cette histoire, et c’est peut-être mieux ainsi…

Laurent

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