Quelle connerie la guerre, criait Prévert. Et nous n’avons pas fini de déplorer la guerre. Cette arme de manipulation massive, cette castration de la démocratie.
Et pourtant qu’il est doux de penser que nous vivons en paix, dans un espace douillet de liberté et de prospérité. C’est l’idée qu’essayent de défendre, imperturbablement en apparence, les anciens. Ceux qui ont vécu eux-mêmes, ou par le biais de leurs parents, les affres de la deuxième guerre mondiale ou d’une de celles qui ont suivi, dans les années 1950 ou 1960. Les plus jeunes, eux, se souviendront de tel film ou tel documentaire sur cette violence. A moins d’être absorbés, corps et âme, par un jeu video, un très « sérieux » war game ! Le devoir de mémoire est important. Mais parfois, étrangement, ce regard dans le rétroviseur de l’Histoire peut nous aveugler. Parfois l’on essaye trop de se rassurer qu’aujourd’hui n’est plus aussi cruel qu’hier. Parfois l’on pense que certains mots doivent figurer dans les oubliettes de l’Histoire, dans les archives des musées. Il y a le mot guerre. Et le mot barbarie, à la connotation archaïque !
« Guerre de civilisation ». « Guerre contre le terrorisme ». « Guerre en Ukraine, en Syrie ». Depuis toujours, le monde est plombé par des conflits, comme celui qui oppose les cousins juifs et musulmans (Abraham et Ibrahim, Gabriel et Djibril…). Comme pour noyer le poisson de cette guerre indécente, il semble de rigueur d’atténuer la barbarie et le terrorisme des deux camps, en évoquant le simpliste « conflit ». Comme au temps de l’enfance, du temps des conflits, ces bagarres qui éclataient dans la cour de récré, nous avons appris à prendre une position officielle, que l’on intervienne ou pas dans les coups qui sont donnés. Déjà dans la cour de récré, il fallait être officiellement pour tel groupe ou tel individu, et officiellement contre le camp ennemi. L’ennemi, c’était forcément celui que tous désignaient, presque comme pour se rassurer eux-mêmes, comme la « terreur de la récré ». Impossible de discuter cette vérité. A l’époque, même sans engagement physique dans la mêlée, il fallait choisir son camp. La neutralité pouvait être jugée immorale. Du moins chez les garçons. Chez les filles, on pouvait pouffer de rire face aux comportements belliqueux, signes patents de l’immaturité masculine. Mais pas trop fort, en aparté !
Aujourd’hui à écouter nos représentants officiels, de Washington à Bruxelles, de Kiev à Moscou, la guerre est quasiment inévitable. C’est que l’autre, l’ennemi, l’opposant, est régulièrement qualifié de fou dangereux, de provocateur. Comment négocier avec un dictateur malade, lorsqu’on se croit sain ? L’excuse est toute trouvée pour justifier de la suite du conflit armé. Les fournisseurs d’armes se frottent les mains ! Après la guerre en Iraq ou en Afghanistan contre les méchants et une pseudo « reconstruction », les réformes locales sont loin de faire l’unanimité. Mais les puissances militaires concernées, responsables des frappes « chirurgicales » (c’est beau le progrès), des traques et des exécutions de souverains fous et dangereux, ne vont tout de même pas porter la responsabilité du « service après-vente ». Les anciens champs de bataille ne ressemblent plus à rien de vraiment humain. La reconstruction démocratique est remplie de faux semblants et de marchés souvent douteux, au détriment de la dignité des populations locales. Des âmes meurtries, prêtes à basculer à leur tour dans la folie meurtrière, et c’est reparti pour un nouveau scenario d’intervention étrangère, directement ou indirectement sponsorisée par l’Occident. Donc avec notre accord tacite.
Peut-on apprendre, pour nous-mêmes et pour nos enfants, à détricoter la guerre ? A détricoter tous ces épisodes guerriers de notre histoire contemporaine ? Non, laissez sécher le sang ! C’est bien trop dangereux ! La censure viendra vite vous rattraper, en vous traitant de révisionniste. C’est si facile de plaider l’oubli, le silence, la discipline de la pensée unique. Il faut vraiment respecter la propagande. Question d’unité nationale et d’unité de camp !
Les instituts de sondage nous promettent une belle image populaire, celle de citoyens majoritairement opposés à la guerre. Évidemment, les questions doivent être simples afin de pouvoir récolter des réponses simples, intelligibles et diffusables. Et si l’on osait demander au peuple s’il souhaite la guerre comme moyen de sécuriser nos approvisionnements qui en uranium, qui en hydrocarbures ? Préparons-nous, dans cette hypothèse utopique de liberté d’expression dans les grands médias, à une réponse populaire pour le moins étonnante.
Outre-Atlantique, les réflexes hégémoniques ont fini par fatiguer l’opinion publique américaine. L’indépendance énergétique change le contexte local et géopolitique. L’Amérique est fatiguée par autant de guerres, de morts et de blessés. Le citoyen de base est un peu lassé par tout l’argent jeté par les fenêtres de Washington, au profit des Haliburton et consorts, des dynasties Bush et Cheney. Dix ans, 4000 morts américains et 100 000 victimes iraquiennes plus tard, le gilet pare-balles de l’Oncle Sam est troué. On voit son gros bidon ! Après la valse-hésitation d’Obama, quid de Donald, le vilain petit canard de Washington ?
En France peut-être plus qu’ailleurs, l’heure n’est pas à discuter d’un si fâcheux sujet. Car c’est ainsi, en 2017, d’autres grandes batailles arrivent. Garde à vous, et restez droits dans vos bottes !
Laurent