L’épigénétique est, d’après l’INSERM, « l’étude des changements dans l’activité des gènes, n’impliquant pas de modification de la séquence d’ADN et pouvant être transmis lors des divisions cellulaires. Contrairement aux mutations qui affectent la séquence d’ADN, les modifications épigénétiques sont réversibles. »
Richard Lewontin, biologiste et généticien des populations à l’université Harvard, s’est longuement penché sur la question de l’influence de l’environnement sur les gènes. Au-delà ou au-dessus des gènes. Ce qui relance l’éternel débat entre l’inné et l’acquis. Ce scientifique américain a ainsi observé que des espèces animales partageant le même capital génétique pouvaient évoluer de façon assez spectaculaire, notamment chez les insectes sociaux que sont les termites ou les fourmis.
Ainsi l’étude des fourmis, de leurs rôles et de leurs caractéristiques – ne serait-ce que leur taille et leur poids, lesquels varient fortement au sein d’une même fourmilière – est assez révélateur de phénomènes épigénétiques. Au cours du temps, les fourmis peuvent évoluer, à patrimoine génétique constant. Il a clairement été établi que ces insectes ne remplissent pas la même fonction tout au long de leur vie. Mais au-delà de l’âge, l’espace influence énormément le développement de chaque individu. Certains sujets sont davantage exposés à l’extérieur de la fourmilière, tandis que d’autres se cantonnent à une vie plus casanière, à l’intérieur de la fourmilière, laquelle peut contenir un million de spécimens ou davantage !
Les fourmis les plus jeunes restent dans leur abri, et se concentrent soit sur la surveillance des œufs, soit sur la nourriture des petits et de la reine. D’autres sont affectées à la réception de la nourriture, en provenance soit de l’extérieur soit de véritables usines alimentaires (champignonnières dans les galeries de certaines fourmilières). D’autres fourmis sont des préparatrices, découpant la nourriture en petits morceaux. D’autres encore surveillent le stock de nourriture. Enfin, les plus âgées montent la garde à l’entrée de la cité fourmilière ou bien se risquent à explorer l’extérieur de celle-ci.
Ces prodiges de la nature auraient fait dire à Charles Darwin : « le cerveau d’une fourmi est l’un des plus merveilleux atomes de matière dans le monde, peut-être plus encore que le cerveau humain ». Mais il s’agit aussi de reconnaître l’influence « de l’extérieur sur l’intérieur ». Contrairement à certaines réductions un peu simplistes, qui ont mis la génétique sur un piédestal, on voit bien les liens subtils entre l’intérieur et l’extérieur. Et aussi le risque que l’extérieur peut faire peser sur l’intérieur.
Pour revenir à l’homme, il suffit de réaliser les diverses menaces issues de la dégradation de son environnement. Alors à moins de s’enfermer dans un confortable déni, l’homme a probablement intérêt à être plus ouvert à son environnement. Ce que n’ont pas osé faire les néodarwiniens, toujours prompts à suivre la logistique productiviste qui s’avérera pourtant mortifère, comme le dénonce Lewontin et Jean-Pierre Berlan (lire OGM ou CCB).
Laurent