Sommes-nous plutôt BELL ou GIIPS ?

BELL : Bulgarie, Estonie, Lettonie et Lituanie.
GIIPS : Grèce, Italie, Irlande, Portugal et (E)spagne.
Anders Aslund – économiste du Peterson Institute for International Economics, à Washington D.C. – s’est amusé à comparer les performances de ces petits pays de l’ex-bloc communiste, et celles du groupe des pays du Sud de l’Europe (et de l’Irlande, en passager clandestin). Sur la période 2008-2012, les « BELL » ont suivi une courbe en V. Sur la même période, la courbe GIIPS aura été moins folichonne pour les observateurs économiques et pour les responsables politiques !

Anders Aslund a souhaité comprendre les raisons de la reprise rapide des BELL, ces si petits Etats, d’habitude invisibles depuis Londres, Paris ou Washington ! Étrange intérêt pour les BELL… qui suit la mode des acronymes politiques (BRIC en 2001, devenu BRICS), lancée par un certain O’Neill de chez Goldman Sachs, dans un élan simplificateur quelque peu naïf. Curieux, Aslund a voulu voir ce qui a cloché chez nos voisins les GIIPS, qui contrairement aux BELL se sont enlisés économiquement.

Leçon n°1 du docteur Aslund : admettre les problèmes, ne pas s’enfermer dans le déni politicien. A noter qu’aux Etats-Unis et dans le Sud de l’Europe, les dirigeants ont préféré nier l’importance des problèmes rencontrés par leur pays. Ce qui ralentit voire anéantit tout espoir d’actions à la fois fortes et rapides. Et le peuple, consentant, a pris l’habitude de la soumission.

Leçon n°2 : expliquer clairement au peuple quels sont les choix, les options pour le pays. Le but étant d’obtenir rapidement, mais démocratiquement (oxymore ?) leur soutien avant de s’engager dans des mesures fortes. « Aux grands maux les grands remèdes ! » Bienvenue au courage politique…

Aslund en remet une couche, lors de sa leçon n°3 : il recommande, face à des crises économiques, de faire appel à de nouveaux dirigeants politiques avec de nouvelles idées. Un homme rempli de bon sens, cet Anders ! Quel contraste avec une France qui, en apparence du moins, semble préférer ne pas tirer de leçons de ses échecs passés. Qui préfère le retour des « losers conventionnels » à la pensée très classique plutôt que parier sur un renouvellement réel aux idées innovantes, en dehors du cadre.

Et enfin le coup de grâce nous est porté à la leçon n°4 : les décisions politiques doivent être clairement communiquées [au peuple] et axées davantage sur la baisse des dépenses [faire mieux avec moins, chasser le gaspillage et les redondances] que sur la hausse des impôts. Bercy, ouvrez vos fenêtres, écoutez ça !

Petit détail (qui tue ?), il se permet même d’ajouter que les BELL ont eu disons l’intelligence collective, ou la sagesse, d’exiger des efforts équitables, intergénérationnels et au-delà des remparts corporatistes. Et qu’ils ont mis l’accent sur le développement du capital humain et sur un haut niveau d’éducation. Un concentré capitalisto-humaniste pour sortir par le haut de la mondialisation ?

Néanmoins, à l’heure où le « benchmarking » et les comparaisons internationales fleurissent, fleurissent, trois remarques s’imposent :

– les différences de taille de pays (inertie) et de culture politique locale (re-inertie) peuvent en partie expliquer la différence de comportement politique au sein même de l’Europe.

– les BELL vivent encore une époque de reconstruction politique après des années de désillusion sous chape de plomb. Economiquement, ils vivent à leur façon les « 30 glorieuses » si loin derrière les GIIPS et bien des pays d’Europe de l’Ouest. Sujet tabou, blessure nostalgique chez nous. Eux, les BELL, conservent une relative confiance en l’avenir. Cette confiance qui fait rêver tant d’économistes… et de politiciens !

– les observations d’Aslund sont peut-être un peu myopes et ne sauraient faire l’économie d’une étude détaillée de la situation locale. Les pays d’Europe Centrale, mi-paumés mi-exaltés par la chute du Mur de Berlin, ont peut-être été un peu vite des proies faciles pour la doctrine du FMI et autres institutions obnubilées par la réforme et le moins d’Etat. Désolé docteur Aslund, mais ne regarder les données économiques à court terme c’est un peu comme si un médecin généraliste, au vu du dernier relevé de température du malade (sans étude de sa pression, de ses pulsations cardiaques, de son état moral…), diagnostiquait, sûr de son fait, un retour durable en bonne santé ! Ce qui n’enlève rien à l’intérêt de ses conseils sur la communication élus-électeurs et sur le nécessaire consensus politique, dans la lignée des spécialistes en gestion du changement.

Laurent

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