Le Dernier Loup, fresque humaniste et naturaliste de Jean-Jacques Annaud, est adaptée d’un best-seller chinois. Le réalisateur septuagénaire nous renvoie loin, très loin vers nos origines. Au temps des traditions ancestrales, du nomadisme. Ce film des steppes est bien plus que cela : une immense claque artistique ! Quel est son message ? Que l’homme est uni quand l’environnement extérieur lui est hostile ! Par contraste, les hommes modernes, dits civilisés, semblent plus désunis quand l’environnement est devenu plus accueillant, (trop ?) confortable, loin des affres du vent ou de la neige. Loin des loups et autres prédateurs…
Jean-Jacques Annaud questionne le respect des anciens, avec son personnage de Bilig, héro patriarcal descendant de Gengis Khan, défié par la jeunesse urbaine de Pékin. Le rapprochement entre tradition et modernité, entre jeunesse et sagesse, entre progrès technique et respect de la nature semble chaotique, voire impossible. Le cinéaste ne veut pas nous mentir. Il nous met à sa façon face à de vrais choix, comme on opposerait la steppe de Mongolie Intérieure à la Chine urbaine et industrielle, plus à l’Est.
Le Dernier Loup est une ode à l’intelligence et la beauté sauvage des loups. Leur intelligence est si subtile que l’homme a bien souvent entrepris, pour couper court à sa peur et à sa rancœur, une chasse au loup pure et simple. Car les loups nous défient et sont jugés, c’est bien cela, dangereux et incompatible avec la vie humaine ! La meute de loups, une pure merveille d’organisation sociale et de hiérarchie, s’oppose dans le film aux hommes et leurs décisions maladroites et grossières, voire simplement « bêtes »… La bêtise que souligne aussi, dans son style propre, Pierre Rabhi le saharien.
Le Dernier Loup est-il un film passéiste ou nostalgique ? Sûrement pas si l’on considère l’inextricable dilemme chinois, entre poursuite de la croissance économique et l’horizon bouché par ses propres excès de pollution, de spéculation immobilière, de corruption. Ce film est un hommage d’actualité, comme la vie peut être d’actualité.
Après l’Ours, après Deux Frères, Jean-Jacques Annaud nous ramène à la case départ, au siècle des Lumières. Sa filiation avec un autre Jean-Jacques, le Suisse Rousseau, apparaît de plus en plus claire. Romantique, Rousseau défiait le sens de l’Histoire suite à Descartes obsédé par la « libération » de l’homme vis-à-vis de la « méchante » nature. Pourtant l’homme, qu’on le veuille ou non, demeure un fils de la nature. Pas un être déconnecté du réel, qui ne serait connecté aux autres que par voie électronique. Ou alors, « malheur à lui » aurait pu dire le vieux Bilig. Quand Annaud rencontre Rousseau, c’est une grande et belle image du monde qui réapparaît. Loin de la folie de la toute-puissance de l’homme sur le reste du monde.
Le Dernier Loup est une leçon de plus de la beauté du monde, une voie vers la sagesse. Une invitation au voyage en Asie ou, a minima, à un voyage intérieur. Généreux au possible, Jean-Jacques Annaud nous a gâtés avec sa quête esthétique.
Un film à voir sans hésiter.
Laurent
j’ai été voir le film le jour de sa sortie, les premières images de loups affamés en pleine chasse m’ont impressionnée ! je le recommande à tous les amoureux de la nature
J’adore ta plume.