La soupe populiste

Qui en veut encore, de la soupe populiste ? Elle est servie bien chaude, au milieu de l’hiver mais aussi à chaque saison électorale. La soupe populiste est sans frontières, il n’y a qu’à observer les tendances récentes en Europe. Sitôt une partie du peuple frustrée, déçue ou un brin désabusée, que la soupe est de sortie. Braves gens au moral en berne, demandez de la soupe ! La recette est simple : un gros bouillon de démagogie, des propos acerbes hachés menus, deux ou trois poignées de critiques à l’emporte-pièce, et un brin de solutions toutes trouvées (rétablissons ceci, arrêtons cela…) Ce chaleureux breuvage ravigotera toujours une partie du peuple, tout en affolant les soi-disant « démocrates ». Mais la frontière entre démocrates et démagos est-elle si nette ?

Des experts tout droit sorties de Sciences Po vont nous dire qu’il y a (quand même !) d’énormes différences entre un Front National, un PEGIDA, un PiS ou une Ligue du Nord. Certes les parcours de leurs fondateurs sont variés, tout comme leur ancienneté respective. Certes leur part d’audience n’est pas la même d’un pays à l’autre. Mais la farce populiste demeure partout pareille. L’élan populiste est proportionnel à la médiocrité des partis qui s’autoproclament « de gouvernement ». Mais attention, en Pologne et en Hongrie, sans oublier l’Autriche il y a peu, les « extrémistes » sont déjà aux manettes. Fini la science-fiction politique !

Soupe populaireSource : Wikipedia

Les amateurs de soupe populiste ne sont pas tous des monstres, pas tous de dangereux psychopathes, ni tous des écervelés. Ils trouvent du sens et se sentent en sécurité dans le havre de paix national que leur propose le parti populiste. Ont-ils tort de rejeter la pensée unique ? En Espagne ou en France, en Allemagne ou en Pologne, des pans entiers de la société ont dévissé et ont perdu l’espoir. Alors ils s’en remettent, faute de mieux, à une tierce personne assez charismatique dans le fol espoir de régler leurs problèmes. Doit-on leur pardonner d’être aussi naïfs et aussi perméables aux idées simplistes ? Ou au contraire les accabler pour leur irresponsabilité et cette fâcheuse tendance à embrasser les amalgames ? Comme ces raccourcis récurrents entre crise économique, sociale et spirituelle et l’Islam, nouveau bouc émissaire… Mais ne sommes nous pas en démocratie, justement ?

Face à un public malléable, les partis démagos affutent leurs arguments pour promouvoir leurs idées sur la place publique. A l’instar de l’immigration sélective, dont on vante les mérites et les pratiques au Canada ou en Australie. Alors plus près de nous, en Pologne par exemple, on veut bien laisser entrer mille migrants mais à la condition qu’ils soient de confession catholique. Et au passage, pour ne pas paraître totalement hermétique à la misère du monde, on rappelle à qui veut l’entendre que depuis le conflit entre la proche Ukraine et la Russie, ce sont des centaines de milliers de migrants qui ont été accueillis par la patrie de Copernic. En Allemagne, du côté de Dresde, les anti-PEGIDA ont défilé au nom de la tolérance, suite aux nombreuses provocations islamophobes du parti d’extrême droite. Sans oublier le Danemark ou la Suède, en proie à des éclats de violence et au doute post-libéral.

Nous arrivons au fond de la marmite de cette soupe populiste. Que reste-t-il de ce potage politique ? De la provocation, en grande quantité, le maniement habile des mots et l’appel aux émotions. Voilà ce qui donne ce goût aigre. Et qu’importe si les veloutés servis par les partis « modérés » vantent l’appel à la raison et la légitimité démocratique. La grosse marmite populiste prospère, et son fumet persiste dans les rues. On ne peut plus effacer cette odeur. A moins de distiller soi-même un ersatz de cette fragrance démago, comme l’ont prouvé la gauche comme la droite rebaptisées UMPS.

Mais ne soyons pas dupes. Nul parti ne saurait feindre l’amnésie. Nul ne pourrait faire oublier la lente érosion du pouvoir national. Car depuis plusieurs décennies le « supra-national » a pris le dessus, via des institutions comme l’OCDE, le FMI, l’OMC sans oublier la Commission Européenne. D’une certaine manière, les partis dits « de gouvernement » se sont laisser piéger par la prise de pouvoir de la sphère privée (banques, fonds d’investissement et multinationales). A force de flirter avec le marché et de laisser faire ladite « main invisible », ils ont fini par perdre tout contrôle. Il est là, en grande partie, le fond de leur problème. Était-ce délibéré (un complot ?) ou était-ce accidentel (un gros bug ?) Jamais un leader n’exprimera publiquement le moindre mea culpa. Voilà encore du pain béni pour accompagner la soupe populiste !

Laurent

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