La démocratie à la française a connu son heure de gloire, c’était il y a une semaine à peine. Débat ouvert, multitude de candidats (11, un record vu de l’étranger), multitude de points de vue, de diagnostics et de solutions. Sur la forme, évidemment les partisans de la langue de bois auront été au mieux déçus, au pire outrés. On retiendra par exemple l’agression verbale d’un Philippe Poutou envers le candidat François Fillon, dont la seule réaction aura été une suite de « oh » en guise de réprobation. Sur le fond, les divergences ont été exposées au plus grand nombre, et les remises en cause du « système » (mondialisation débridée, Europe technocratique, tout nucléaire) auront eu la parole. En somme, la pensée unique aura été un peu chahutée. Mais une fois n’est pas coutume !
Dès les lendemain pourtant, les « grands » médias (qualificatif bien injuste pour les « petits ») commencèrent à détricoter le mythe du pluralisme et du débat. Circulez, petits candidats ! Laissez passer les pros, les champions des sondages, issus des plus grandes écuries politiques. Ce passage en force des grands prétendants s’appuie sur le grand procès en disqualification des « petits candidats ». Ainsi l’étau se resserre-t-il soudainement, irrémédiablement.
Le procédé est fort classique : d’un côté, des tas de statistiques, de prévisions d’une catastrophe annoncée si untel (ou unetelle) venait à prendre les rênes du pouvoir suprême. Chronique d’un désastre assuré, cette disqualification ne sert qu’à une chose : limiter tout risque de changement, toute tentative de « renverser la table ». La peur est son principal levier psychologique. Tremblez, votants ! Réfléchissez bien, songez encore à votre geste… Un brin paternaliste, la presse se la joue conseillère.
Le principe de réalité est mis en avant, le réalisme prenant souvent appui sur des considérations bassement financières, preuve du diktat des places boursières sur tout ce qui se passe ici-bas. La mauvaise foi n’est jamais loin, mais elle se cache bien confortablement derrière des arguments pseudo-scientifiques et des concepts classiques auquel plus personne ne croit vraiment (compétitivité, croissance, emploi).
Alors oui, la parenthèse enchantée du grand remue-méninge politique aura été de très courte durée. Les commentateurs assermentés, qui sévissent sur les grandes chaînes de télévision, les grandes radios et autres médias influents, auront vite sonné la fin de la récréation. Reste à savoir si les électeurs, dans leur ensemble, suivront ou non ces consignes de vote à peine déguisées ! Les français sont-ils vraiment des veaux ?
Laurent