Né en pleine 1ère guerre mondiale, le Canard Enchaîné de Maurice Maréchal et consorts a dénoncé l’horreur et l’absurdité de l’affrontement armé entre nations. Dès 1916, année de naissance du Canard, sa liberté de ton lui valut bien des déboires avec Anastasie, l’autre nom de la censure, avec sa paire de ciseaux. Mais déjà le vilain petit canard médiatique alertait des ravages de la culture de la guerre ! Déjà il montra du doigt la convergence des intérêts du gouvernement, de l’industrie de l’armement et des grands banquiers. Bien entendu, jamais un représentant de ces trois forces ne s’exposait personnellement à la grande boucherie des tranchées, tandis que de pauvres types servaient de chair à canon. Belle arnaque populaire, la guerre…
Il ne restait plus qu’aux principaux médias, les chiens de garde du pouvoir, de vanter en boucle les faits d’armes et l’héroïsme de nos chers poilus ! Et de jeter l’opprobe sur le camp adverse…en plein délire patriotique. Une des plumes du journal satirique et libre n’hésite pas à énoncer la « spirale infernale » : le clergé encourage l’armée qui engraisse l’industriel, lequel commande au politicien !
La culture de la guerre, un siècle plus tard, n’a pas disparu. Jeux vidéo guerriers, films tout aussi violents, récits populaires réels ou virtuels opposant le bien et le mal. Sans oublier ces superhéros qui oeuvrent tant en temps de paix qu’en période de guerre. Dans la « vie réelle », la couverture médiatique du terrorisme ressemble aussi à celle des « nouvelles du front« . Et pendant se temps, le chef suprême, démocratiquement élu, décrète l’état de guerre. La guerre est partout ! Elle nous a conquis dès le plus jeune âge…comme un mal incurable. Nous ne sommes pas athées. Notre dieu s’appelle Mars.

La culture de la guerre s’invite donc en temps de paix. Là est sa raison d’être : préparer le terrain mental collectif en vue de nouveaux conflits. Elle est tenace et s’immisce au plus profond de nos sociétés et de nos esprits. Sa stratégie – militaire, forcément – submerge notre bon sens. Elle accouche alors de concepts douteux et toxiques : « choc des civilisations », « guerre contre le terrorisme », etc. Aujourd’hui la culture de la guerre surfe sur la nouvelle propagande et la post-vérité, de George W. Bush à Donald Trump, sans oublier Erdogan le combattant ottoman.
Mais la culture de la guerre n’est pas invincible. Bien sûr que non ! Elle vacille à la vue de la coopération entre les peuples, elle bat de l’aile quand la bienveillance et l’empathie ressurgissent. La culture de la guerre prend peur face à l’intelligence collective et face à l’éducation. La culture de la guerre retourne à sa tanière quand la solidarité et la fraternité, cet amour inconditionnel de l’autre (quelque soit sa nationalité, sa religion et sa couleur de peau) comme un autre soi-même, reprennent leur place dans le monde !
Laurent