La NASA n’est pas peu fière d’avoir annoncé des indices de la présence d’eau sur Mars. Eurêka ! Des millions de tonnes d’eau, mal placées (aux pôles principalement). Et seulement à l’état solide, par -50°C. Qu’à cela ne tienne ! « Même pas peur » se disent quelques irréductibles terriens, devant ce défi que semble leur avoir personnellement lancé la planète Mars. Nous avons là des scientifiques souvent très sérieux, mais à tendance un brin optimiste ! Des géologues audacieux entraînant dans leur sillage quelques politiciens New Age. Que suivent allègrement quelques hommes d’affaires déjantés, Elon Musk et Richard Branson en tête (Space X et Virgin Galactic)
Mais entre une poignée de doux rêveurs et le grand public, il y a un gouffre ! Des géologues, nostalgiques de l’âge d’or de la Science-Fiction, semblent quand-même un peu restés à l’âge ado-rebelle. Pourtant, ils ont très sérieusement inventé le concept de « terra-formation« , ou comment reproduire des conditions de vie en mode extra-terrestre. Juste pour tenter de fuir cette vie terrestre que leurs parents indignes voulaient leur imposer. Qui se rappelle des projets de « biosphères », version améliorée et autosuffisante de nos « Center Parcs ». Folie adolescente ? Geste suicidaire ?
Au fond, ce projet n’est peut-être pas plus fou que celui du clonage humain ou des organismes génétiquement modifiés aux pouvoirs étendus ! Sauf que nous ne gardons plus du tout, cette fois, les pieds sur terre : cap sur une planète située entre 55 et 400 millions de kilomètres. Un voyage de 6 mois (aller simple), même si la Nasa, avide de soutiens financiers, excite ses sponsors avec la promesse d’aller beaucoup plus vite (projet de fusée magnéto-plasmique…)
Et si tout cela était possible ? Et si ce projet devenait techniquement possible ? Avec des « si » on mettrait Mars en bouteille… Alors il nous resterait à assurer la faisabilité économique, en misant sur le progrès technique et les fameuses économies d’échelle. Cela dit, personne n’est dupe sur le caractère élitiste d’un tourisme ou d’une migration extra-terrestre. Jamais on ne pourra transplanter l’humanité toute entière ailleurs que la où elle a vu le jour et s’est développée. Déjà que l’on n’assure pas la sécurité des voyageurs de Méditerranée. Alors l’espace ! Mais aux yeux des plus virulents défenseurs d’un tel projet, comme toujours, arrêtons de ronchonner et mettons-nous au travail…
A écouter les doux rêveurs de la terra-formation, on se dit que l’heure n’est pas à un retour à la maison, ni à la raison. La vie sur terre, en mode « raisonné », doit être un « truc de vieux » ! C’est vrai pour la terra formation, tout comme d’autres projets d’artificialisation (intelligence artificielle, domotique, nano-systèmes). Nouveau symptôme d’un délire technologique qui nous envahit. Les grands média, en quête de Graal, se frottent les mains. Sans oublier Hollywood qui nous propose un vol direct pour Mars, par Matt Damon interposé. Le nouveau pouvoir des géologues permettrait à plus d’un d’entre eux de rebondir professionnellement. Les spécialistes du sous-sol ne sont-ils pas simplement en train d’anticiper l’effondrement des activités extractives « classiques » (charbon, pétrole, gaz de schiste, etc.) et la nécessaire fin de notre ère « poubellienne » ? Exit la Terre, vivement Mars ! Plus petite que chez nous, mais toute propre.
Et pourquoi pas des exoplanètes ensuite ? « Sky is the limit »… Mais attention, la riposte des « pieds-sur-terre » sera certainement cinglante. Une fois de plus ce sera un appel à la raison. Pour rappeler à tous les limites de la vie terrestre, ici et maintenant. Pour calmer la fièvre ambiante. Pour tenter une fois de plus d’apaiser nos pulsions violentes et prédatrices. Sinon, en l’absence de débat, la résignation du peuple et du politique laisseront le champ libre soit au geoengineering (sur Terre) soit à sa cousine éloignée, l’areoengineering (sur Mars).
Laurent