Que se passe-t-il en ce moment pour qu’on parle tant des robots ? A toutes les sauces, robots par-ci, robots par-là. Est-ce le génie marketing de George Lucas, sur le point de nous en remettre « plein la vue » avec le successeur de R2D2, dans Star Wars ? Est-ce un nouvelle mode, cet « éternel recommencement », qui revisite les concepts de la Science-Fiction lors de son âge d’or, à savoir dans les années 1960-1970, en pleine conquête de la modernité et de l’espace ? Ou bien, pour les plus terre-à-terre, est-ce juste le début d’une nouvelle ère industrielle, avec de vrais robots à tous les coins de rue et à tout moment de nos vies hyperconnectées ?
En France, Bruno Bonnell a fait partie des premiers croyants du business des robots, pensant les faire sortir de l’ombre des chaînes de montage et autres cathédrales industrielles. L’ex-patron d’Infogrames et d’Atari a fondé en 2007 Robopolis, histoire de démocratiser les robots, en s’inspirant probablement de la mode japonaise. Certes la France et l’Europe ont un autre rapport à l’espace que le Japon. Ni les mêmes contraintes, ni la même culture. Mais la contagion a bien eu lieu.
Car partout dans le monde les robots et les automates sont arrivés dans nos vies. Certains même il y a fort longtemps. On oublie presque leur omniprésence aux péages, dans les banques, les commerces, les stations-services, à la maison (domotique). Mais les robots, les cousins du très moderne BB8, imitant à la fois notre intelligence et notre force, semblaient être restés confinés dans quelques lieux réservés. Dans la logistique, les robots ont gagné un certain pouvoir, par exemple chez DHL ou chez Amazon. Et c’est là que question qui fâche a été posée : celle de leur impact sur l’emploi.
Pour le patron d’Amazon, il n’y a pas de doute : les robots ont réussi à faire gagner de la place et de l’efficacité à l’entreprise, qui a ainsi pu étendre son activité (gamme de produits plus large). Cela aurait nécessité de nouvelles embauches. Des emplois humains, oui ! Jolie démonstration, mais quid du reste du marché ? Dans un contexte global où l’on n’arrête pas de prévoir un ralentissement de la croissance, ne tend-on pas vers un jeu à somme nulle ? Et les succès de certaines firmes, notamment les plus puissantes, ne s’est-il pas déjà fait au détriment des autres ? Une création-destruction assez classique. Mais au fond, on peut de bonne foi douter du « gain net » pour notre société !
Jeffrey Sachs, qui a écrit « Comment vivre heureux avec des robots » nous rappelle tous les bienfaits du progrès technique sur la pénibilité du travail et sur sa durée. Et si on découvrait un jour que la grande prêtresse des 35 heures était un robot ? La souffrance au travail était annoncée, déjà, dans l’Ancien Testament, à la sortie de Jardin d’Eden. Reste un terrible problème, peu soluble dans le monde libéral et son dogme anti-état : celui de la solidarité et de la redistribution, face aux effets fortement inégalitaires de l’ensemble des progrès de l’automatisation et de l’intelligence artificielle. Il n’existe pas de consensus sur la solution à apporter aux « effets secondaires » de la robot-mania.
Pauvres robots ! Regardez bien R2D2, il ne ferait pas de mal à une mouche. Au fond, ce n’est pas sa faute si les hommes s’étripent à son sujet ! D’un côté ceux qui croient, coûte que coûte, à un progrès infini et sans limite. Et les autres, ceux qui se disent que ça commence à « sentir le roussi ». Que le creusement des inégalités et les effets de la grande fuite en avant technologique nous ramènent à la loi de la une jungle, vers un monde de barbares. Qu’il est difficile de rapprocher des points de vue aussi diamétralement opposés ! Et si on mettait un robot-médiateur entre les deux camps, pour arbitrer ce différend ?
Laurent