Le Monde annonçait en 2015 qu’une « prime de femme au foyer » était versée, par leur généreux mari, à des épouses surdiplômées des beaux quartiers de New York !!
Ainsi un bonus pour récompenser la précieuse contribution de Madame au bon fonctionnement du foyer, pendant que Monsieur s’échine au bureau. Rien ne dit que ce concept, un peu farfelu tout de même et issu de l’Upper East Side, fera long feu. Est-ce une innovation géniale, dans l’air du temps féministe ? Ou bien signe qu’une fois de plus les Américains, du moins quelques « happy fews », nous ont encore devancés dans une sorte de course à la décadence ?
CHOIX SUBIT, CHOIX SUBI
Ailleurs, dans des contrées moins glamour, vivent des cohortes de « femmes de », conjointes d’expatriés. Toutes ont plus ou moins décidé, plus ou moins subi le choix professionnel de Monsieur. Il arrive parfois que ce choix se soit fait un peu « à l’arrachée ». D’autant plus que les délais de prévenance des services RH des entreprises du monde entier sont courts. De tels délais laissent peu de place à la réflexion individuelle (Monsieur) ou collective (Monsieur et Madame, voire les enfants). A cela s’ajoute que, contrairement à ce que pourraient imaginer quelques naïfs, le choix du départ en expatriation se fait en l’absence de catalogue façon Club Med !
SACRIFICES
De quoi se plaint-on, lorsque Monsieur décroche « the » contrat d’expat, avec moults avantages ? Logement confortable aux frais de la princesse, scolarité luxueuse ou élitiste, véhicule de fonction et généreuse prime d’expatriation devraient satisfaire les candidats les plus exigeants. Pour Monsieur, probablement. Qui profite les plus du cadeau ? Celui qui voit sa carrière boostée, et ceux qui voient leur scolarité transformée. Et Madame, alors ? Un peu à l’image des Glam SAHM (glamourous stay-at-home moms) autour de Central Park. Elle et ses frustrations personnelles, ses sacrifices qui ressortiront un jour ou l’autre. L’affaire se corse encore un plus lorsqu’à la faveur d’un déménagement, pour une destination pas vraiment voulue, Madame se prend en pleine face la perte de :
– l’employé de maison (pas financé dans la nouvelle destination, quelle déchéance !),
– le soleil toute l’année (imaginez un transfert San Diego – Stockholm ou Dakar – Bruxelles), la carence en photons et en degrés qui conduit à la déprime assurée,
– la super cuisine qu’on aimait tant (plus aussi bonne et variée à Amsterdam qu’à Bangkok),
– la langue locale qu’on avait réussi à maîtriser au bout de trois ans (soudain sa remplaçante linguistique semble incompréhensible, inaccessible et laide…)
Et si on ajoute les gens dans la rue, toutes ces nouvelles têtes du quotidien qui « font la gueule », l’ancienne vie culturelle qui manque, les commerçants malpolis ou malhonnêtes et l’architecture « tellement moins intéressante », le tout dans une ville « tellement plus polluée et moins pratique… » La coupe (de champagne) est pleine !
PLACE DES REGRETS
Ce sentiment de punition est bien réel, voire justifiable, mais toujours inavouable. Sauf à la rigueur devant un avocat, le jour d’un divorce. Et dire qu’à la première expatriation, c’était pour Madame la « vie rêvée », que tout allait pour le mieux, à commencer par elle-même. Entre le golf, la manicure, le club international et ses cours de danse ou de cuisine locale… Et dire aussi que le pays d’origine (France ou autre, poco importa !) était devenu soudain si ringard, aux yeux de Madame et de sa tribu. Au coup suivant, place aux regrets ! Place à la nostalgie, aux difficultés de réadaptation. Place aussi, après tant d’années loin du marché du travail, à l’impression d’avoir définitivement fait une croix sur toute ambition de « retour en force » au plan professionnel. Un sacrifice qui peut donner le vertige et nourrir l’amertume.
Et si Madame, seule aux commandes de la maisonnée, porte le masque, alors il ne faudra pas s’attendre à ce que les enfants tournent la page sereinement. Effet miroir oblige. Mais voilà, les enfants ont pour eux l’avantage de leur jeunesse, de leur adaptabilité. Pour les enfants expatriés, l’heure de la comparaison sera vite derrière eux, grâce à l’école, aux nouveaux copains source d’énergie et de découvertes. Mais du côté de leur propre mère, la blessure d’amour-propre restera – parfois – indélébile. Tel un mur de certitudes auto-construit qui les empêche de progresser.
COMPARAISONS – EN BOUCLE
La comparaison des cultures, des habitudes, des conditions de vie locales peut servir à quelque chose si elle a lieu sans jugement de valeur. A l’inverse, la comparaison automatique, systématique, simplement pour se positionner et s’enfermer et enferme les autres dans une case, ne sert pas à grand’chose. Sauf à aimer se faire du mal et en causer à son entourage ! Lors d’un changement important comme une expatriation, c’est souvent l’identité personnelle qui se retrouve menacée. Au point de s’accrocher à des symboles matériels, à de petits rituels hebdomadaires. Quitte à y accorder une importance excessive et s’y attacher plus que tout !
Changement mêlé de deuil, un départ à l’étranger, ou même un simple déménagement à l’intérieur d’un pays, représente un défi pour tous. A ce titre il force le respect, alors que le status quo semble tellement plus confortable et naturel ! En fait, tout nouveau départ demande une dose d’énergie assez incroyable. Il faut avoir assez de ressource pour surmonter les obstacles et les désillusions à l’arrivée, en terre inconnue. Mais l’aventure d’une tranche de vie à l’étranger finira toujours par avoir du sens, à apporter un bénéfice personnel. Et peu importe si le bénéfice de cette expérience n’arrive que plus tard, sur le chemin du retour !
Laurent
En fait, c’est le changement qui fait peur. Toujours car on sait ce que l’on perd et on ne sait pas ce que l’on gagne. Transformons-nous en pingouins tels ceux d’ « Alerte sur la banquise », faisons-nous confiance et faisons confiance aux autres…
conclusion très juste: expatrier amène toujours des bénéfices psychologiques, culturels et spirituels si on sait en tirer les leçons. De plus, les progrès de l’humanité se sont toujours basés sur les échanges créés par les nomades…