La sagesse stoïcienne promeut l’idée qu’il ne sert à rien, ou pas à grand’chose, de vouloir changer ce qui ne peut pas l’être. C’est une leçon de vie qui permettrait, finalement, de se focaliser sur tout ce sur quoi nous pouvons avoir un impact et, donc, en recueillir quelques fruits, tôt ou tard. Le reste serait perte de temps et gaspillage d’énergie individuelle. Mais ce qui peut être vrai à l’instant t, pris isolément, l’est-il aussi sur le long terme et à l’échelle collective d’une société ?
Quid de tous ces phénomènes immensément lointains, démesurément hors de notre échelle spatiale et temporelle ? Car il y a bien longtemps que nous nous intéressons à bien des phénomènes apparemment hors de portée ! Notre appétit, notre curiosité et notre inventivité nous ont fait sortir, depuis longtemps, du lit de la rivière de nos besoins de base et de notre sobriété originelle. Nous avons organisé l’étude systématique du ciel, du fond des mers ou encore, celle de nos ancêtres ou du climat à l’âge de pierre…

Depuis quelques temps, le climat et son changement sont devenus un sujet en soi, une espèce de fait divers jouant des coudes dans la nébuleuse des grands titres médiatiques, à coups de sécheresse extrême, de cyclone débridé ou de records de chaleur. Passionnément nous avons glosé sur les symptômes, avant de nous aventurer sur l’arbre des causes possibles de tous ces dérèglement. En se réfugiant d’abord sur les causes non-humaines, tout contre l’arbre-nature qui cachait la forêt-humaine et son foisonnement techno-industriel…
Puis, en mode problème-solution, nous avons décrété qu’il nous fallait s’adapter. Mais décréter ne suffit pas, tel un malade devant la perspective d’un traitement médicamenteux incertain ou d’un régime alimentaire contrarié pour des raisons de santé. Le médecin ou le climatologue décrète, conseille ou ordonne, mais il n’est ni le patient, ni l’auditeur. Pas plus que le consommateur ou l’électeur !
Et comme certains malades sombrent vite dans le fatalisme et la soumission, nombreux sont ceux qui vont se réfugier derrière cette phrase et cette croyance : « on ne peut rien y faire« . Il fait (trop) chaud, il faut s’y habituer, attendre toujours et encore, derrière sa clim ou son ventilateur, que la n-ième canicule ne finisse par s’estomper ! Attendre un peu de répit comme si l’on attendait la fin d’un bombardement… jusqu’au prochain.
On ne peut rien y faire ? Certes, il serait arrogant et quelque peu immature de laisser croire qu’on peut, bien au contraire, « tout y faire ». Qu’il s’agisse du « combat pour le climat » ou de celui « contre la pollution » ou encore « pour la biodiversité », la tâche est longue, fastidieuse, hasardeuse, incertaine… Mais qui peut se permettre, au nom de quelle dispense de responsabilité ou de quelle lâcheté admise, de tirer un trait si net et définitif ? C’est là que reviennent au galop la question de la responsabilité des anciennes envers les nouvelles générations. C’est là, aussi, qu’apparaît au grand jour toute la difficulté de notre société à penser au temps long, à voir au-delà des générations actuelles.
Car il faut bien reconnaître que dans toute grande « affaire du siècle », il n’y a pas plus rusé que d’attendre que le temps passe pour être oublié, pour disparaître définitivement des écrans radars de la justice. Si l’on fait l’hypothèse que les effets de tous les grands dérèglements de l’anthropocène ne vont aller qu’en empirant, alors les quelques leaders du monde actuels ne peuvent avoir pour mot d’ordre que d’acheter du temps, ralentir ou saboter autant que possible la machine judiciaire, sans oublier de saupoudrer quantité de doutes et de distractions aux masses.









