Le cycliste et le kéké

Jean de la Fontaine, reviens ! Après le Corbeau et le Renard, voici venu le Cycliste et le Kéké…

C’est qu’il s’en passe des choses, au pays des merveilles, douce France, doux pays du Tour de France et des 24 heures du Mans. Terre de paradoxes puisque la plus grande compétition cycliste au monde fût créée par une entreprise médiatique nommée L’Auto, comme quoi on peut tenter de rapprocher 2 roues et 4 roues. A moins que ce ne soit l’inverse. Et l’on ne présente plus les 24 heures du Mans qui par leur prestige comme par leur extrême difficulté (quelle endurance, pour les moteurs des bolides comme pour les muscles et les ligaments des pilotes) sont donc aux 4 roues ce que le Tour est aux 2 roues !

Mais au quotidien, dans la banalité d’un trajet domicile-travail, au quotidien donc, il en va tout autrement.
2 et 4 roues se regardent en ville comme chiens de faïence, à moins que ces véhicules ne soient tout bonnement incompatibles…

Enfin quand-même, parfois des rencontres en disent long sur nos rapports à la mécanique. Timide et fugace rencontre, aussi fortuite que sans apparente importance, comme sans aucune enjeu. Ainsi, filant tout droit vers l’objectif du jour (vite, arriver vite au bureau, ou rentrer vite à la maison), le nez dans le guidon, l’on croise cet objet de désir et son heureux propriétaire.

Oui c’est ça. En mode hybride, donc mi-fier comme Artaban, mi-gêné par le dopage électrique de chez Bosch, perché sur notre deux-roues pesant à peine 25 kg (le vélo… pas nous !), nous voilà non loin du conducteur de cette grosse cylindrée de marque allemande. Sauf que son engin haut sur pattes et bien lesté doit peser environ 100 fois le poids de notre pourtant robuste vélocipède moderne !

On est là, en pleine course à vélo, sur le plus petit pignon, donc à fond. Il est là, à l’arrêt à la station essence, pataud. Le bolide, pas le pilote… quoique l’on ne sait pas vraiment ce qu’il pense de notre course folle, libre comme l’air ou presque. On aurait presque pitié à la vue de cette canaille de Porsche Cayenne, autant endormie, apathique, qu’assoiffée d’hydrocarbure. Rapide coup d’œil sur sa robe anthracite, avant de s’arrêter sur la fluorescence provocatrice de ses étriers de freins. Ce jaune qui rappellerait presque celui des mini-jupes dans les années 80. A croire que cela soit encore à la mode de l’autre côté du Rhin !

Seulement voilà, l’heure est peut-être plus grave qu’il n’y paraît. Un seuil a peut-être déjà été franchi. Après le pic pétrolier et autres considérations énergétiques, ou le pic démographique (des naissances, de l’espérance de vie en bonne santé ou de l’espérance de vie tout court), et si nous étions arrivé au pic automobile ? Que les plus sceptiques ou inquiets se rassurent, ce n’est qu’une hypothèse urbaine et rien de plus. Mais tout de même, après l’âge du tout auto puis la lubie des transports en commun, et si l’horizon était celui-là : la sobriété à deux roues. Avec ou sans casque (il faut assumer, la mode ou la
sécurité). Avec ou sans assistance électrique. Le deux-roues motorisé ou non, populaire ou de luxe, avec ou sans remorque, monoplace ou tandem.

Elle a été oubliée cette époque où l’on se moquait des Chinois et leurs vélos. Mais les Chinois aussi ont dû ralentir. De force, avec des bouchons durant jusqu’à plusieurs jours. Et aussi, volontairement (la volonté de fer du PC Chinois). De façon organisée, avec l’interdiction des véhicules thermiques, au point que dans certaines mégalopoles asiatiques on cherche les vieux scooters qui ne sont pas électriques. Le monde à l’envers, alors que chez nous jusqu’à récemment les véhicules électriques, peu importe le nombre de roues, sont restés tout à fait minoritaires.

Après le choix institutionnel de la bagnole (eh non, le marché libre n’a pas toujours la main !), l’heure de la revanche des 2 roues a peut-être bien sonné. Face à l’imposture mécanique (2 tonnes pour déplacer un seul individu : peut mieux faire…), voici l’ère des vaches maigres mais aussi du pragmatisme. Un mariage de raison entre économie et écologie. Comme quoi !

Alors hormis quelques incorrigibles passionnés (ou kékés, c’est selon notre degré de tolérance ou notre niveau de jalousie), en ville, alea jacta est. Le complot bobo-écolo-municipal a bien avancé ses pions, avec le rétrécissement structurel de la voirie et donc de la place attribuée à l’automobile, et les taxes, la pub à la télé perd un peu de son impact. Relayée évidemment par l’inflation…

Peut-être alors que la mode a pris le pli de cette rupture technologique. Tout le monde regarde en direction de Tesla et autres fournisseurs de 4 roues électrifiés. Mais c’est sûrement en direction des plus classiques bicyclettes qu’il faut arrêter son regard. Attention au départ !

On se faufile et on double. Tout ou presque y passe. Un véritable aspirateur à asphalte. Notre botte secrète, c’est ce petit panneau jaune, qui énerve tant les pauvres conducteurs de voitures, condamnés qu’ils sont à attendre au feu ! Libéré de sa bulle de métal, on oublie les PV sur le pare-brise et les difficultés à se garer.

Douce France, pays de la petite reine !

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