Stop au changement ?

La zapette, il y a longtemps déjà nous avait élevé au choix. Au choix et au changement réflexe.

Une invention aussi banale, d’abord filaire puis sans fil, adossée à l’inflation du choix, d’abord timide (fin du monopole l’ORTF en 1974, avec trois chaînes au lieu d’une seule) puis exponentielle à l’heure des centaines de programmes nationaux et étrangers, sans compter les plateformes de streaming. Le choix et la facilité. Le changement comme un réflexe vital contre l’ennui ?

Plus de choix et de possibilités, d’occasions de changer. Changer de pays voire changer de vie. Changer de partenaire. Changer de sexe. Changer, changer, et encore changer (ou périr ?)

Changer de job, du moins d’employeur. Et puis changer de fonction. Et de secteur d’activité. Et puis changer « radicalement » d’activité pour, probablement si on peut se le permettre, se rapprocher de nos valeurs, de nos aspirations du moment. Le changement se marie à la perfection avec la liberté individuelle, le libre-arbitre, la méritocratie (tu n’as pas changé : c’est ton problème… pas le mien !)

Tout est changeant, mouvant. Plus rien ne nous étonne. L’économie est changeante. La course à l’innovation nous y pousse ou nous y contraint, grâce ou à cause de l’infernal aiguillon de la concurrence, locale, nationale et internationale ! Et la politique n’est pas en reste, avec ses changements de dogmes, de think tank, de leadership, de priorités. La valse folle du turn-over tant en politique qu’en entreprise en dit long sur cette tendance profonde du changement permanent.

Est-il seulement permis de se poser la question : a-t-on déjà assez changé ? Le changement est-il une étape transitoire, un virage méticuleusement négocié ? Un moyen, un passage ou une fin en soi ? A peine croit-on l’atteindre, qu’elle nous échappe pour mieux nous attirer, de loin. Cible fuyante mais cible persistante.

Le concept d’amélioration continue, gentillet au départ, ne cache-t-il pas en fait une véritable dictature du changement. Car comment s’améliorer continuellement, sans répit, sans changement permanent ? Et c’est bien ce même changement permanent qui constitue la seule issue de secours, pour éviter l’oubli et la faillite.

Nous pouvons accepter l’idée que, malgré nos réticences et nos résistances, foncièrement nous n’aimons guère le changement. Mais il faut lui dire « merci ». Merci de nous avoir fait sortir de la grotte, tailler la pierre, dompter le feu, inventer la roue. C’est indéniable. Nous sommes ici dans l’histoire positive du progrès. Un progrès synonyme de trésor d’ingéniosité. Une ode à notre sens du défi, individuel (le mythe de l’entrepreneur) ou collectif (le mythe du capitalisme triomphant).

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