Si l’on vous dit « qu’en dira-t-on », vous pensez immédiatement à une expression du passé. Le qu’en dira-t-on serait donc un peu désuet. Il nous renvoie à une époque où la communication était essentiellement orale, à l’ère du bouche-à-oreille.
Aujourd’hui pourtant, tout le monde surfe sur non pas le qu’en dira-t-on, trop lointain, mais plutôt sur le qu’en dit-on, tout de suite. Internet ou l’ère de l’immédiateté. On peut tester une idée, une œuvre musicale, une opinion, à la vitesse de la lumière. On peut aussi recevoir un feedback plus ou moins désagréable, aussi brutal qu’instantané. Nos faits et gestes quotidiens sont exposés à la face du monde dans le but d’être « likés », appréciés, valorisés, vus et revus, postés et repostés par notre « communauté ».
Et nos achats, alors ? Oserons-nous avouer que bien souvent nous consommons au-delà de nos seuls besoins, mais plus par l’envie et par l’image que nous souhaitons construire autour de nos possessions (vestimentaires, automobiles, immobilières) ? Animaux sociaux égarés dans notre bulle matérielle.
Le qu’en dira-t-on a peut-être quelques vertus : celle d’entretenir un sentiment d’appartenance ou bien de nous tenir éveillé, depuis la nuit des temps, face aux agissements de nos pairs. Mais à l’heure dite de la mondialisation, qui élève le monde entier à l’ère de la consommation en open bar, le qu’en dira-t-on nous sera probablement fatal.
Les grandes déclarations sur ladite nécessaire sobriété matérielle et énergétique demeureront longtemps encore des écrans de fumée face à notre fâcheuse tendance à épier et à jalouser son voisin. Les concepts de durabilité voire de décroissance, s’ils ne sont que le reflet des limites terrestre, volent en éclat devant notre besoin de reconnaissance sociale.
Aussi, la démarche volontaire de dépouillement n’est pas prête à arriver. L’on pourrait imaginer une accélération de l’inflation, que l’on continuerait à se saigner, à coups de crédits ou à coups de pillages, pour sa peau et préserver notre image. Arrivera-t-on un jour à ringardiser le qu’en dira-t-on et à le reléguer définitivement à un réflexe primitif périmé ?









