S’il y a un pays qui fait rêver les uns et frémir les autres, ce doit être la Chine. De vives émotions tant ce pays superlatif n’a pas fini de nous étonner.
Tantôt on se rassure en pensant à la « solution » du rattrapage salarial, tel un amortisseur, une promesse d’accalmie après la tempête. Tempête que toutes les économies développées essuient depuis 1979 et l’ouverture de l’Empire du Milieu.
Tantôt on hausse les épaules à la nouvelle de tel méga-problème de circulation dans telle mégalopole chinoise, de telle vague de pollution ou de telle tension sociale.
Tantôt on s’offusque suite à une nouvelle tragédie du côté de Lhassa. On aime à se sentir encore supérieur à la Chine sur la question des droits de l’homme et de la démocratie. On se rassure comme on peut !
Mais au fond, on n’a pas vraiment envie de refaire l’histoire en cette période d’avant-Noël, prêts à accueillir de nouveau sous le sapin qui une tablette, qui une console, qui un vêtement de marque, qui un jouet en plastique Made in China. Quelle jolie bourde collective, aveuglement digne des esprits les plus dogmatiques qui soient. Les séquelles d’une croyance ostraciste, quasi-scolaire. Puisque le professeur [ici Milton Friedman] l’a dit… n’est-ce pas Ronald, Margareth ? Sans oublier les autres élèves (français, allemands) du fond de la classe, un peu dissipés, plus lents à dégainer. Ayez confiance en la main invisible, rejoignez la vertu ultra-libérale (amen !) Etrange coïncidence historique entre ce qui se passa en Chine et ce qui changea radicalement en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, à l’orée des années 1980.
A-t-on eu pitié au départ pour ce pauvre géant communiste, ce docile panda ? L’Europe et les Etats-Unis, attirés par une si belle affaire, se sont laissés prendre au jeu de go ? Un jeu simple de conquête, à jouer avec patience et détermination, que le parti Communiste chinois maîtrise mieux que quiconque dans l’équipe adverse dite « démocratique » et « développée ». Foutaises que la doctrine du FMI pour les chinois. Qu’il dise blanc, la Chine pense noir. On s’assoit sur la propriété intellectuelle, on oublie le b-a ba des contreparties équilibrées dans la négociation. On se moque des prétendues vertus du flottement des devises, le Yuan restera fixe et terriblement bas. Et rien n’y personne n’y changera quoi que ce soit pendant trente ans s’il le faut. La Chine aura tout de même la bienveillance d’adhérer à l’OMC, pour soigner son image.
Fossé culturel et politique économique : à l’Occident la main invisible, à Pékin la main de fer, bien visible ! Tous ces artifices mis bout-à-bout pourraient rappeler un complot contre l’Occident, contre sa stabilité, contre ses emplois, contre son industrie. La divergence ou dissidence comme ligne de conduite sera curieusement suivie par un seul pays en Europe, avec patience et détermination : l’Allemagne. Passons sur les moyens. Au final, l’Allemagne aura été la seule puissance occidentale capable de tenir le coup face à l’essor chinois, et d’en profiter !
A ce petit jeu de go mondial, il est difficile aujourd’hui de dire qui aura le plus perdu. Les Etats-Unis y ont déjà laissé une partie de leur chemise. L’Union Européenne aussi, notamment dans les secteurs et les régions qui n’auront pas su axer leur contre-attaque sur la « compétitivité hors-coût » ni su modérer leur inflation salariale. Ce jeu de go devient un jeu de dupes si on se rappelle les promesses de la théorie très classique des avantages comparatifs. Car d’après Ricardo et consorts, il était bien question d’une répartition de l’activité économique selon le savoir-faire de chaque pays concurrent. Or dans la pratique et dans le cas chinois spécifiquement, point de limites et plus de spécialisation. Partout la Chine est dans son élément !
La Chine version 2013 sait tout produire et veut tout produire. Occidentaux allez-vous en ! La Chine semble-t-il n’a plus aucune leçon à recevoir de qui que ce soit en matière d’affaires économiques.
Naïfs businessmen et responsables politiques occidentaux incapables de voir loin, trop pressés d’envahir le marché chinois. Comment ça, pensaient-ils voir dépérir le pouvoir central de l’Empire ?
Laurent
http://www.franceculture.fr/oeuvre-la-fin-de-la-mondialisation-de-francois-lenglet
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