Il était une fois une Américaine exilée en France. Son nom : Susan George. Sa mission : lutter contre les injustices et les inégalités. Robin des Bois n’a qu’à bien se tenir ! A quoi bon lutter penseront certains, fatalistes, puisque le monde est ainsi fait : naturellement inégalitaire. Après tout, certains animaux sont des centaines de fois plus gros que d’autres, restés microscopiques, certains vivent quelques jours alors que d’autres dépassent le siècle d’espérance de vie ! Le monde est inégalitaire par nature, c’est ainsi. Mais est-il forcément injuste par nature ?
Susan George est une personne dévouée à la cause humaine. Une activiste qui mène un combat contre l’indignité, contre l’oppression. Et pour l’espoir, aussi !
« On ne promet pas la lune. On ne dit pas que l’on a réponse à tout, mais l’on a des solutions. Notre but est de faire des sociétés décentes et rationnelles où les gens vivent à peu près bien, où il y a relativement peu d’inégalités, et où à peu près tout le monde a un emploi, est bien soigné et peut offrir une bonne éducation à ses enfants. »
Alors que le monde entier lorgne sur l’Afrique, partiellement atteinte de fièvre hémorragique (hélas entre autres fléaux), que la Chine s’inquiète à l’idée que ce nouveau relai de croissance, si riche en ressources et en nouveaux consommateurs, ne se transforme en cauchemard économique, Susan George nous ramène un peu à une autre réalité. Celle de la faim dans le monde, celle des immenses inégalités. Certains voudront lui rappeler combien la misère a déjà reculé, et qu’on ne peut pas toujours voir le verre « à moitié vide ». D’autres souligneront la promesse des nouvelles technologies, à l’instar de Bill Gates devenu promoteur enthousiaste des gains de productivité agricole, quitte à faire usage de technologies non éprouvées comme les OGM qu’une autre partie du monde résiste à avaler.
Susan George fait partie de ces personnes pour un progrès véritable. Pas un progrès réservé à une caste privilégiée. Un progrès partagé, c’est-à-dire un progrès durable, intergénérationnel, essentiellement humain. Elle a très vite identifié l’ennemi : tout pouvoir démesurément concentré et fondamentalement anti-progrès, anti-partage. Tout pouvoir excessif est manifestement conservateur, ultra-conservateur et se barricade. Nul besoin de chercher d’un côté ou de l’autre de la planète : à l’heure de la mondialisation de la finance et de l’économie, ce pouvoir concentré se retrouve sur tous les continents, sans exception !
A l’heure où le chiffre d’affaires de certaines entreprises dépasse tel ou tel PIB national, il faudrait être soit bien naïf soit de mauvaise foi pour ne pas admettre que certains acteurs économiques, organisés sous forme de lobbies, puissent agir de tout leur poids pour insuffler les décisions politiques qui les arrangent ! Il est évident qu’Adam Smith peut bien gesticuler dans sa tombe : ces entreprises, quand elles agissent ainsi, n’ont que faire de sa « main invisible » ! Leur influence, au seul bénéfice de leurs intérêts privés, n’a que faire de l’intérêt général, des générations futures et du bien-être de l’humanité, citoyens et consommateurs confondus…
Le négationnisme a survécu aux horreurs du XXème siècle. Il a simplement changé de nature : du négationnisme politique au négationnisme économique. Pour cette activiste-écrivain, l’arme fatale existe. Elle est très simple, encore faut-il se donner la peine de s’en servir. C’est la « méthode Dracula« . L’auteur déclare : « comme Dracula, les stratagèmes des grandes sociétés, une fois mis sous les projecteurs, ne résistent pas à la lumière ».
Susan George, Les usurpateurs, Seuil (2014)