Virus Ebola, croissance et développement

Le virus Ebola serait le « plus dangereux depuis le Sida » d’après les autorités américaines. Bizarrement, l’Allemagne est restée assez silencieuse sur cette affaire sanitaire. Comme si elle ne sentait pas concernée ? ou relativisait son importance ?

Sur le terrain, c’est la grande inquiétude. Souvent mêlée à un sentiment d’impuissance. Ebola aurait fait un peu plus de 4000 morts. Mais le plus choquant est le taux de mortalité des patients atteints par le virus : 55% de mortalité spontanée en Afrique d’après l’ANRS. La Sierra Leone, la Guinée et le Libéria sont au coeur de l’épidémie. Une épidémie hors-contrôle en Afrique de l’Ouest. Les territoires concernés par l’épidémie sont les plus vulnérables, dans des pays « sans Etat », pauvres et désorganisés. Des pays d’Afrique avec l’indice de développement humain (IDH) parmi les plus bas du monde. Aussi il n’est pas rare de ne trouver qu’un médecin pour 100 000 personnes, et tout aussi peu de lits d’hôpitaux ! Dans ces conditions…

Face à cette fièvre hémorragique, pour le moment aucun médicament efficace n’a été trouvé. Rappelons-nous du temps qui a été nécessaire avant la mise en place d’une tri-thérapie efficace dans la luttre contre un autre virus africain : le SIDA. Sur place, les Etats les plus touchés par Ebola n’ont plus prise sur la situation. La gestion de cette crise est de fait transférée aux ONG.  Au Liberia, dans un hôpital de la capitale Monrovia, 23 des 25 infirmiers étaient décédés début octobre. C’est dire à quel point la situation est devenue critique. Mais que faire ? Couper les liaisons aériennes, pour freiner la propagation du virus ? Mais cela empêcherait la fourniture des moyens médicaux nécessaires pour la lutte contre cette épidémie.

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Ebola, virus connu depuis 1976, nous revient en pleine figure alors que la mondialisation affichait des signes de fatigue. C’est une nouvelle catastrophe pour l’Afrique, et un nouveau signe pour le reste du monde. Signe de la fragilité d’un monde hyper-connecté. Signe des nombreux problèmes sanitaires encore non résolus. Mais Ebola nous montre aussi la persistance d’un intolérable fossé entre les pays riches et les pays pauvres. Ce même fossé qu’essayent de combattre avec leur fondation Bill et Melinda Gates, quitte à s’appuyer sur des technologies plus ou moins douteuses.

Au-delà d’une nouvelle catastrophe sanitaire, Ebola touche d’abord et touchera sans doute essentiellement l’Afrique. Ce continent « last frontier » pour la sacro-sainte croissance économique. Les marchés locaux sont au point mort, les bras manquent dans les champs. Le confinement étouffe l’activité économique. En Occident, les marchés financiers développent une psychose, suite aux défaillances de certaines entreprises exposées. La Chine aussi est concernée, qui voit d’un très mauvais œil la menace pour le continent africain. Rappelons que la Chine, pionnière du jeu de go, lorgnant sur l’Afrique depuis plus de dix ans, a distancé tout le monde, en quête de ressources alimentaires et non-alimentaires (minerais, énergie, etc.) et en quête de débouchés commerciaux.

L’Afrique devient malgré elle le symbole de la finitude de la croissance, de la fin d’un système économique aveugle et sourd. Mais les économistes, confortablement installés, nous rappellent les chiffres du rebond africain : un PIB en hausse de 4,8% en 2014 et de 5,5% en 2015. Mais quel accompagnement de la croissance au niveau des politiques sanitaires locales ? Et quelle place accordée à l’éducation, notamment en matière d’alimentation, qui est la base de l’immuno-défense ?

Vu du côté américain, on ne peut que se réjouir qu’Ebola ait été assez vite classé parmi les risques bioterroristes, permettant la levée de fonds dans la recherche de traitements. Un professeur de l’état de l’Université d’Etat du Delaware, originaire du Libéria, défend une thèse surprenante : celle d’un coup monté en vue de la commercialisation d’un vaccin. Et certains observateurs de revenir sur l’hypothèse d’une contre-offensive Américaine, refusant le leadership Chinois en Afrique. En attendant, officiellement c’est tout le gratin de la gouvernance économique mondiale qui s’exprime. Suite à la psychose des marchés financiers, le G20 financier s’est réuni autour d’un « sommet Ebola ». La Banque Mondiale a fait tourner ses ordinateurs et fait deux hypothèses de conséquences économiques pour l’Afrique de l’Ouest : entre 8 et 32 milliards de dollars de manque à gagner. Et c’est sans compter sur un débordement du virus sur le très stratégique Nigeria, qui regorge de pétrole. Dans la série « y a qu’à, faut qu’on » la Banque Mondiale – qui n’a pas peur des contradictions – exhorte de relancer l’activité commerciale sans relancer la contagion. Même Christine Lagarde, la présidente française du Fonds Monétaire International s’y met, en recommandant les pays à creuser leurs déficits pour lutter contre ce nouveau fléau.

Au-delà du phénomène médiatique Ebola, n’oublions pas les morts silencieuses – bien plus nombreuses – dûes au paludisme et tant d’autres maladies cachées. Souvent moins spectaculaires par leur violence, mais qui sévissent toujours en Afrique et ailleurs.

Laurent

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