Qu’on se rappelle de la fiscalité du temps des rois. A l’époque, l’affaire était simple. Le Roi disait même : « l’Etat, c’est moi », et la collecte de l’impôt était une affaire qui tourne !
L’Etat était fort et on ne pouvait guère discuter son l’autorité. Cette fiscalité du temps des rois aura fini par un accident de parcours, avec la révolte du peuple conduisant à la si fameuse révolution française. Mais au fond, en changeant officiellement de régime politique, d’une monarchie absolue à une république, le rapport de force allait rester largement favorable à « l’état imposteur ». Et le peuple allait continuer de se faire « tondre » en échange de quelques services publics, démocratie oblige cette fois.
En faisant un grand saut historique à l’époque actuelle, un grand changement apparaît : il touche au rapport de force (et donc au pouvoir de négociation) entre l’état et certains contribuables. Ne cherchez pas du côté des petits malins de la défiscalisation « bon père de famille ». Certes l’on connaît la grande mode des lois Besson, Robien, Duflot, Demessine, Pons, Girardin. Elle a permis à bon nombre de concitoyens de moins payer d’impôts ou d’en payer utilement, en contribuant – gentils contribuables disciplinés – à un effort national dans l’immobilier. Mais sans rien négocier, simplement en faisant des choix en matière fiscale et en investissant. Là où le rapport de force a changé, c’est par contre entre l’état et les entreprises. Dans ce cadre-là, les plus grandes entreprises, celles qui ont surfé très vite sur la vague de la mondialisation, ne connaissent plus de limites. Elles s’appuyent depuis belle lurette sur les conseils de grands cabinets d’audit comptable et fiscal comme KPMG, PWC ou Deloitte. Tandis que les entreprises sont devenues transnationales, les états ont fait du sur place. Et les rapprochements comme la Communauté Européenne devenue Union n’ont guère compensé la perte d’autorité fiscale de chaque pays ! Les entreprises, enfants rebelles, ont vite su trouver la faille… Et l’autorité a laissé sa place à la négociation.
Voyons le cas européen, et l’affaire « Lux Leaks« . S’agit-il de simple optimisation fiscale ? Total respect ! Ou s’agit-il d’une arnaque à la démocratie ? Le commun des mortels perd son regard du côté des îles Caïman et autres paradis fiscaux, alors que les « tax rules » ont lieu chez nous et plus encore chez nos voisins. Rien qu’au Grand Duché de Luxembourg, 340 entreprises multinationales ont bénéficié d’accords spéciaux, parfaitement légaux. L’on remarquera au passage que le rapport de force états versus contribuables ne joue pas toujours en faveur des plus grands états ! Small is beautiful en matière de collecte fiscale des « large businesses ». Aujourd’hui le manque à gagner touche particulièrement quelques grands pays d’Europe comme la France ou l’Allemagne, et outre-Atlantique, les Etats-Unis. En Europe, l’affaire « Lux Leaks » est un pur secret de Polichinelle. Jean-Claude Junker, actuel président élu de la Commission Européenne, a été pendant 18 ans aux manettes du Grand Duché. Alors il en a vu passer des dossiers, c’est incontestable. Et il connaît Bruxelles comme sa poche, parle à l’oreille les grands chefs d’états, loin des journalistes indiscrets. Aujourd’hui les grands états sont surendettés, dans une conjoncture régressive. Les multinationales ont développé une expertise en évasion fiscale (même si l’on prèfère parler d’optimisation, plus politiquement correcte) et savent faire chanter sur le thème de l’emploi. Dans ce grand vacarme, certains petits états vident discrètement les poches de leurs voisins, ce qui rend la situation intenable ! D’où la bombe médiatique lâchée par un consortium de journalistes d’investigation.
Voilà notre grand fiasco fiscal. Il résulte du poids des (mauvaises) habitudes d’états qui voulaient croire en une croissance éternelle, donc à des entrées d’argent en mode automatique. Il provient aussi de leur aveuglement et probablement leur laisser-faire vis-à-vis d’entreprises grandes gagnantes de la dérégulation et de la mondialisation, tellement puissantes qu’elles en ont perdu le sens de l’intérêt local ou général. Les petits arrangements entre amis sur la question fiscale éclate au grand jour. Grande injustice de plus à l’heure du matraque fiscal, tant pour les ménages que pour les PME. A force de donner des privilèges aux grandes entreprises, comme du temps de certaines pratiques féodales de la Cour du Roi, n’a-t-on pas étouffé les forces vives économiques de base ? N’a-t-on pas handicapé les véritables sources d’innovations et de création d’emplois ? Tout cela ne serait qu’une petite épine dans le pied si en parallèle de grandissait pas la question du chômage et de la jeunesse.
La petite combine aura duré quelques décennies. Au sein de l’Union, le Luxembourg aura régné sur la destinée européenne plus que quiconque. Ce tout petit état totalise trois mandats de présidence de la Commission Européenne, sur un total de treize depuis 1958. Dans cette grande foire commerciale qu’est la mondialisation, tous les pays, France incluse, ont cherché à capter la manne des investissements étrangers, les fameux IDE. Alors c’est vrai, chaque état a dû un jour ou l’autre tricher au plan fiscal. Le jeu en valait la chandelle. Mais dans l’Union, le vrai problème, c’est qu’aucun état ne va dénoncer son voisin. Loin, si loin de Bruxelles ou de Luxembourg, l’homme de la rue s’est bien fait berner. Faute à lui de s’être assoupi ! Mais maintenant qu’une partie de l’opinion publique crie son désamour européen (revoir les résultats aux derniers votes européens) et dénonce la concurrence déloyale – tant sur cette question fiscale que sur celle du travail et des travailleurs polonais ou roumains – la tant attendue harmonisation n’avance pas. En matière fiscale, les décisions européennes doivent se prendre à l’unanimité. Comme si tout était fait pour que le fiasco dure ! Dura lex, sed lex… Sauf à compter sur l’élan réformateur d’autres instances, comme l’OCDE ou le G20. Du moins essayeront-elles de rassurer le peuple par quelques beaux discours remplis de promesses, comme d’habitude !
ce sont les petites entreprises qui trinquent car elles n’ont pas la possibilité de se payer les services des gros cabinets.Celles la meme qui constituent la vraie richesse en matière d’innovation.Les lois ,en matière d’entreprise ,ne sont faites que pour les plus grosses entreprises ,le législateur ayant à cœur de pouvoir ,le jour venant ou il perdra son siège,retrouver une place au sein de ces entreprisesL’optimisation fiscale ,c’est aussi la faute du législateur ,notamment pour la loi du crédit-impot recherche ou des aberrations ont été relevées dans leur attribution.
« Certes l’on connaît la grande mode des lois Besson, Robien, Duflot, Demessine, Pons, Girardin. Elle a permis à bon nombre de concitoyens de moins payer d’impôts ou d’en payer utilement, en contribuant – gentils contribuables disciplinés – à un effort national dans l’immobilier »
Les entrepreneurs, les libéraux, se foutent comme de l’an 40 de ce genre de conneries qui de plus sont contreproductive contrairement à ce que vous affirmez. Les plus gros fans sont nos ministres, députés et autres élus (voir les declarations de patrimoine).
» Aujourd’hui le manque à gagner touche particulièrement quelques grands pays d’Europe »
Le manque à gagner??? Croyez vous que je me lève le matin an me disant je dois faire en sorte que tout ce que je vais faire aujourd’hui va permettre à l’état de s’enrichir ou de payer pour la retraite à 35 ans du conducteur de TGV de la SNCF ou pour les intermittents du spectacle? . L »Etat ne produit rien, ne vend rien, il n’a pas de manque à gagner.
« perdu le sens de l’intérêt local ou général »
Ditto. Quand je crée ou investis dans une entreprise, je ne le fais certainement pas en me disant la raison social et les objectifs de cette boite sont de travailler pour les intérêt locaux ou généraux. I.e. si la boite marche bien et que des emplois sont crées, tant mieux, ca va surement dans le sens de l’intérêt general. Mais mes seuls buts sont de vendre des produits ou services pour la plus grande satisfaction des clients espérant ainsi la creation de valeur pour moi et les autres actionnaires. Pas pour le conducteur de loco. Tout le reste, c’est des by-products.
« Aujourd’hui les grands états sont surendettés »
C’est surement parce que 340 entreprises ont fait de l’optimisation fiscale et ont payé quelques centaines de millions d’impôts en moins que la dette de la France s’élève à 2.000 milliards, celle de l’Allemagne à 2.300 millards et celle des Etats-Unis à 17.000 milliards…
Vive le Comité Central!!!
John Galt
Bravo pour votre sens de la caricature. Si l’on vous suit, appliquons-donc à la lettre les préceptes du Dr Friedman et laissons-faire l’anarchie. Un état surendetté et dépourvu de sens aux yeux de bon nombre de français ne doit pas servir de prétexte à liquider tout type de pouvoir public. Au fond, le vrai problème c’est le dialogue qui est un exercice particulièrement difficile entre français. Pourquoi d’autres pays y sont-ils arrivés (sans entrer dans les caricatures ou l’ironie qui sont contre-productifs) et pas nous ? Peut-être savent-ils mieux que nous discuter avec les « conducteurs de loco » et autres parasites de la société !!