La loi du marché

« On ne fait pas n’importe quoi avec les gens. » C’est sur cette phrase terrible que s’ouvre le film de Stéphane Brizé, avec le magnifique Vincent Lindon, en chômeur longue durée. Devant un conseiller du pôle Emploi qui ne sait que lui répondre, il oppose les formations qui ne permettent pas de trouver un emploi et les mauvais conseils qui risquent de le conduire tout droit au RSA.La loi du marché 2

Non, on ne fait pas n’importe quoi avec les gens. Parce que Thierry, il a une femme et un fils handicapé.

La loi du marché, c’est celle qui vous réduit à néant. Au lieu de vous permettre de vivre, de survivre au moins, la loi du marché vous surveille et vous fait tomber, à la moindre faiblesse. Le film aborde, implacablement, la descente sociale pour Thierry : les déboires avec la banque, les difficultés pour continuer de payer la scolarité de son fils handicapé, le crédit pour racheter une voiture, tombée en panne.

Thierry refuse de mener l’ultime combat contre l’entreprise qui l’a licencié, pour « préserver sa santé mentale ». Parce qu’il en a plein le dos, et parce qu’il sait qu’il n’a plus d’énergie à consacrer à cette cause perdue. Il préfère se concentrer sur sa recherche d’un nouveau travail.

Mais cette quête s’avère aussi agressive que le monde du travail lui-même.

Florilège des entretiens d’embauche ou même des critiques de ses compagnons du Pôle Emploi :

« Vous ne trouvez pas que vous avez l’air trop distant dans cet entretien ? Pas assez présent ? Un peu mou ? »

« Que vous ne parlez pas assez fort ? »

« Acceptez-vous d’occuper un poste moins élevé que celui que vous aviez avant ? »

« D’être moins payé ? »

« D’être vigile ? »

Thierry dit oui à tout, sans hésiter. Parce qu’il ne veut pas vendre pas son appartement, et payer les études de son fils.

Mais quand il se retrouve vigile dans un grand magasin, il se trouve confronté à une loi encore plus dure : faire son travail sans émotions, sans pouvoir aider ceux qui se retrouvent piégés en face de lui.

Petits larcins, caissières prises la main dans le sac en train de voler les coupons de réduction des clients ou de passer leur propre carte de fidélité. La loi du marché, c’est toujours pour quelques euros, jamais plus. Mais quand le drame pointe son nez, il est trop tard pour faire les comptes. L’humiliation de trop peut tuer.

Thierry, assiste, muet, aux destins tragiques qui se jouent à côté de lui. Entre quatre murs en tôle, et devant un manager glacial, on règle le sort d’un salarié pour quelques morceaux de papier. Froideur déshumanisée de la grande surface, jusque dans son management humiliant et laideur de sa salle de réunion.

Pourtant, ce film est aussi celui de l’amour. L’amour que porte Thierry à sa femme et son fils, et dont il est aimé en retour. Cet amour qui le porte tout au long de son parcours douloureux.

Les acteurs sont extrêmement justes dans ce film. Aucune image n’est laissée au hasard. Comme si l’auteur voulait démontrer que la loi du marché, c’est aussi la loi du plus fort.

On ne ressort pas de ce film comme on y était entré. Rien à faire, le regard a changé.

Mais pour combien de temps ?

Christèle

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