Les énergies renouvelables, un secteur qui ne connaît pas la crise ? En 2015, d’après Ernst & Young, les investissements mondiaux dans les énergies renouvelables ont poursuivi leur croissance, en s’élevant à 329 milliards de dollars contre 316 en 2014 (+4%) ? Ceci dans un contexte pourtant très spécial, avec la forte baisse des cours du pétrole et, plus généralement, une énergie fossile « au rabais », du moins en apparence ! Il faut rappeler la part écrasante du « non-renouvelable », du charbon à l’uranium en passant par le pétrole ou les gaz de schiste ou « naturel ». Mais chaque décision d’investissement se fait sur le long terme, elle se doit de regarder bien au-delà de la conjoncture du moment.
ESSOR DES EnR
L’essor global de la filière dite renouvelable a démarré il y a plus de 10 ans. En 2004, les investissements (ajout d’unités de production au parc énergétique existant) n’étaient que de 62 milliards d’USD. En 2015, l’Asie détient le leadership en matière d’investissements, avec 55% du marché mondial, dont 30% rien que pour la Chine ! Les principales technologies utilisées sont l’éolien et le solaire, qui contribuent à hauteur de respectivement 33% et 49% du total des énergies renouvelables déployées en 2015. Pas étonnant, alors, que le solaire soit régulièrement perçu comme étant LA filière d’avenir.
Bien sûr, en valeur absolue, les énergies fossiles conservent une énorme longueur d’avance. Ainsi en 2012 les énergies fossiles et le nucléaire pesaient plus de 80% de la production mondiale. Cependant les renouvelables deviennent de plus en plus attractifs, compte-tenu de nombreux facteurs politiques mais aussi technologiques. Alors que l’on peu regretter la construction de nouvelles centrales à charbon, et pas qu’en Chine, déjà les renouvelables représentent plus de la moitié de la puissance énergétique installée chaque année.
ET APRES ?
S’il est difficile de prévoir la variation du prix des autres énergies, à commencer par le pétrole, une sorte de bras de fer se déroule actuellement. Un mouvement de progrès opposé à de fortes résistances au plan politique et au plan industriel. L’énergie étant un secteur très capitalistique, il importe d’observer l’attitude des grands investisseurs.
- D’un côté, le système bancaire continue de soutenir de grands projets basés sur l’énergie non-renouvelable. De très grandes fortunes issues des énergies fossiles, à l’image des frères Koch aux Etats-Unis, représentent une menace et un frein au développement des alternatives renouvelables. Et leur argumentaire, basé sur le coût des subventions accordées au solaire ou à l’éolien, est bien rodé. Ce lobbying parfaitement infiltré pour que rien ne change – ou si peu – est très efficace !
- De l’autre, les défenseurs des renouvelables plaident pour la transparence des coûts, y compris au plan sanitaire et environnemental. Ils ne sont pas résignés au statu quo et souhaitent regarder en face ce que coûte réellement à la société chaque énergie. Ils soulignent également leurs progrès techniques qui permettent d’arrivée à une parité avec les énergies plus sales et donc à sortir de l’assistanat des subventions.
Mais l’industrie du renouvelable est partagée ! Avec ses anciens et ses nouveaux acteurs, ses PME (les Mc Phy et autres DualSun) et ses multinationales. D’abord les puristes (« pure players ») qui ne jurent que par l’énergie renouvelable. Ensuite toute une cohorte de producteurs « hybrides », des mastodontes comme EDF, qui mange depuis longtemps à tous les râteliers (nucléaire, fossile, hydroélectricité et autres EnR*). En 2012, EDF a racheté Photowatt, ex start-up solaire promise à un bel avenir avant que la filière française ne soit dézinguée par le yo-yo législatif des tarifs de rachat. ENGIE, ex-GDF Suez, a racheté l’année dernière le spécialiste Solaire Direct. Une croissance externe qui dans les deux cas ne signifie pas l’abandon d’autres sources nettement plus néfastes au plan sanitaire et environnemental.
La fièvre des renouvelable va probablement se poursuivre, puisque les fondamentaux sont là pour que le cours des énergies fossiles, sur le long terme, augmente. A cet indicateur brut s’ajoute la perspective, voire l’anticipation, d’une taxation carbone, comme l’appellent de leurs voeux le PDG de Virgin, Richard Branson, ou Barack Obama lui-même. Car d’une manière ou d’une autre, les externalités négatives (ou les coûts cachés) vont devoir être comptabilisées. Le déni des effets délétères des énergies carbonées devient compliqué. Enfin, l’énergie nucléaire, souvent présentée comme la super-alternative décarbonée (ou beaucoup moins que toutes les énergies fossiles), continue au fil du temps de dévoiler ses limites (NDLR, c’est un euphémisme).
MIRAGE ATOMIQUE
Les tragiques pages de l’épisode de Tchernobyl ou de celui de Fukushima sont loin d’être tournées. Les effets de ces accidents sont à long voire très terme. Il reste extrêmement difficile, en mode « apprenti-sorcier », de tout sécuriser. Même en l’absence d’accident, heureusement exceptionnel, la gestion de la fin de vie des centrales, en France comme partout dans le monde, n’existe pas. Faute d’expérience, le démantèlement des centrales atomiques reste à inventer. Quant au très coûteux projet expérimental ITER, basé sur la fusion nucléaire plutôt que la classique fission, il reste pour l’instant du domaine du rêve, vu que ni ses coûts ni ses délais ne sont maîtrisés.
Laurent
* Chez EDF on préfère, politiquement correct oblige, parler « d’énergies nouvelles réparties », plutôt que « renouvelables » (ce qui laisserait entendre que les autres ne le sont pas !)