EPR : gaspillage à grande échelle ?

EPR Finlande, EPR Chine, EPR Flamanville, bientôt Hinkley Point (Grande-Bretagne) ? La technologie EPR (European Pressurized Reactor) était sensée devenir le fleuron industriel d’AREVA, un des leaders mondiaux de l’énergie nucléaire. Présenté, au début des années 2000, aux clients mondiaux, l’EPR devait s’imposer comme le dernier cri en termes de sécurité, d’efficacité énergétique et d’optimisation des déchets. Oui mais voilà, comme d’autres méga-projets (jadis le Concorde, plus récemment l’Airbus A380 ou Eurotunnel…) la naissance de l’EPR aura connu une série de couacs et de coûteux retards ! Des bugs à répétition, liés à des problèmes internes (temps d’apprentissage, passage du stade du prototype au stade industriel…) ou externes (coordination avec les partenaires industriels, litiges avec les clients et les pouvoirs publics locaux…)

Des labos ultra-sophistiqués d’AREVA sont finalement sorti des têtes de série, c’est-à-dire des premiers modèles au coût de revient particulièrement élevé. C’est qu’on ne produit pas des centrales électriques à énergie nucléaire comme on produit à la chaîne les « centrales vapeur » de Madame Michu ! Chez AREVA, la livraison tardive de la série EPR ayant été retardée de nombreuses années, l’ardoise a fini par connaître une inflation monstrueuse. A cela s’ajoute un calcul politique, où la nouvelle centrale normande (Flamanville) pouvait justifier le retard du démantèlement côté alsacien (Fessenheim). Cet imbroglio, auquel s’est ajouté le périlleux projet d’Hinkley Point, aura amené le directeur financier d’EDF à démissionner. Que vient faire EDF dans cette galère ? C’est simple : EDF est le client historique et principal exploitant des centrales d’AREVA. Rappeler que l’état français est intimement lié à EDF comme à AREVA. Un mileu technocratique caractérisé par une certaine consanguinité où tendent à sa confondre haute fonction publique et haute couture industrielle. Un milieu hybride issu du club très fermé des grandes écoles d’ingénieurs parisiennes et de l’ENA. Une élite aveuglée par son orgueil et par son excès d’enthousiasme ?

Centrale nucléaire de Fessenheim et le Grand Canal d'Alsace, Haut-Rhin (68) // Fessenheim nuclear power plant and Grand Canal d'Alsace Haut-Rhin (68)

Patatras ! La réalité économique finit toujours par nous rattraper. Car les chiffres sont implacables, on voudra les tourner dans tous les sens, on voudra refaire les calculs… parfois la réalité est telle que rien n’y fait ! Désespérant pour un DAF doté d’une vraie conscience professionnelle et du souci de « bonne gestion ». Or l’EPR n’est pas comparable à une nouveau modèle de l’industrie automobile, ni même à une nouvelle gamme de trains ou d’avions. L’industrie nucléaire demeure une jeune entreprise, une activité hautement expérimentale. Pas une de ces vieilles dames comme Ford, General Motors ou Renault ! Contrairement à bien d’autres industries classiques, la fin de vie d’une centrale reste un concept abstrait. Sauf lorsqu’un accident vient à mettre l’installation en péril, comme ce fut le cas aux Etats-Unis, en Ukraine et plus récemment, au Japon. Le nucléaire, chasse-gardée de l’Etat, reste une activité qui navigue à vue, tout en s’entourant d’un brouillage médiatique, une multitude de rideaux de fumée pour tenir à distance le grand public et les riverains.

Agrippé aux hautes sphères du pouvoir, ce secteur si stratégique mène sa barque sans aucune certitude, seulement avec des hypothèses ! Des hypothèses optimistes sur la durée de vie des centrales, sur la sécurité des installations, sur le coût du démantèlement… sans oublier le recyclage des déchets. La réalité finit toujours par dissiper les brumes matinales qui planaient sur cette industrie. Loin des théories économiques et de la pensée magique des « économies d’échelle », nous voilà bien englués, contribuables en tête, dans le gaspillage à grande échelle. Comme si la France n’avait que des problèmes de pays riche, alors même qu’on nous répète que quelques dix mille français millionnaires (gros contribuables soudain évaporés) auraient quitté le navire en 2015.

Bon week-end à tous,

Laurent

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