Les partisans de la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, ou « Brexit », se sont attirés les foudres des milieux d’affaires. Le Financial Times, sorte de perroquet médiatique, s’en fait le porte-voix. Les dépêches pleuvent au quotidien, pour avertir des risques et des coûts d’un éventuel retrait du pays-membre le plus insulaire de l’Union. C’est ainsi que le patron de J.P. Morgan, James Dimon, a averti que la banque de Wall Street risquait de devoir supprimer des emplois au Royaume-Uni. Et devoir transférer une partie de son activité ailleurs en Europe, si le peuple britannique votait pour le Brexit ! Notons au passage que ce n’est pas le maintien, jusqu’à nouvel ordre, du R.U. dans l’Union, qui a empêché de nombreuses banques à délocaliser des milliers de postes, en quête de « low cost »… Cette annonce de James Dimon, datée du 3 juin, fait suite à une série d’opinions anti-Brexit, venant des quatre coins de la planète économique et financière. Tremblez, peuple grand-breton ! Craignez le grand « saut dans le vide, en oubliant au passage que ce pays (comme tous les autres pays-membres) a plus longtemps vécu en dehors de l’Union qu’en son sein…
La communication est bien huilée. Elle ne veut laisser aucun doute sur l’issue du vote. Harcèlement médiatique ? Nouvelle forme de terrorisme des masses ? Une chose est sûre, le quotidien économique laisse à désirer en matière de part d’audience accordée aux partisans du « oui ». Depuis Margaret Thatcher, la Grande-Bretagne avait semble-t-il choisi son camp. « Tina » (there is no alternative) et « I want my money back » raisonnent encore, consacrant la prédominance de l’argent, du business et d’un néo-libéralisme cheveux au vent avec un intérêt bien compris à rester un « membre à part » de l’U.E. Mais que craignent au fond les défenseurs du « non » ? Leurs arguments et leurs motivations varient selon que l’on s’adresse à l’homme de la rue ou au membre d’un cercle fermé de la City. A l’homme de la rue des craintes élémentaires liées du dynamisme économique, au pouvoir d’achat et à l’emploi. Et quelques craintes au sujet des avantages liés à la mobilité : travailleurs « low cost » d’Europe de l’Est en Angleterre notamment, retraites « low cost » en Espagne avec la gratuité des soins, etc. A l’homme influent d’autres craintes, certainement moins avouables. A commencer par la perte d’influence économique sur le pouvoir politique.
En effet, le lobbying bruxellois est déjà assez compliqué comme cela, avec une Europe divisée sur des questions telles que l’énergie (charbon, gaz de schiste, nucléaire) ou l’agriculture (OGM, pesticides…) Alors si le Brexit avait lieu, les partisans d’un grand marché transatlantique uniformisé pourraient voir leur projet repoussé aux calendes grecques ! Un retour en force de la souveraineté nationale n’est pas une bonne nouvelle pour les milieux d’affaires habitués à faire « joujou » avec les législateurs. Si ce Brexit voyait le jour, l’on peut décemment craindre un effet de contagion chez d’autres membres importants de l’UE, où la grogne monte… Et au niveau du Royaume-Uni, leur isolement vis-à-vis du reste de l’Europe leur ferait perdre leur rayonnement lors des grandes négociations internationales.
Mais voilà, la crise de la représentativité est probablement aussi forte outre-Manche qu’en France. L’amalgame est vite là. Ce référendum est pour un grand nombre de britanniques l’occasion rêvée d’exprimer bien plus qu’une simple réponse à une simple et unique question sur l’appartenance à l’U.E. Comme l’exprimait le 3 juin Martin Kettle dans The Guardian : We can all write about a Brexit vote being part of a wider trend in modern politics. It’s about globalisation, the crisis of capitalism, widening inequality, fear of the other, rejection of political elites, and the empowerment of the web. Up to a point, these things are all present in the Brexit campaign.
En attendant, à moins d’un mois du référendum – ce défi de David Cameron dans laquelle il joue son avenir politique – on peut se demander où sont les vrais débats et jusqu’où la farce médiatique ira-t-elle dans cette pseudo-tragédie à la Shakespeare ?
Laurent
L’Angleterre a toujours gardé un pied dedans et un pied dehors de l’Europe visant simplement à exploiter au mieux, et selon ses intérêts, la situation la plus avantageuse qu’il s’agisse du Commonwealth et/ou de l’Europe.
Ce référendum à mon sens vise seulement dans le cas de la victoire du « non » à ne pas la respecter (comme la France avec Sarkozy) mais par un odieux chantage demander encore plus d’avantages à l’Europe : « nous restons mais à NOS conditions qui sont celles-ci »….. or il faudrait leur répondre : Bon vent la Grande Bretagne, de toute façon nous n’étiez pas dans l’Europe, en démontre votre monnaie ………….
Les banques ne vont pas se délocaliser à la recherche du low cost, mais pour continuer à avoir un libre accès au marché unique. HSBC envisage de transférer son siège européen à Paris. Même si les salaires sont moins élevés qu’à Londres, avec les charges, on ne peut pas vraiment parler de chercher à faire du low cost.
Tous les journaux sont pour le Brexit sauf les meilleurs (Financial Times, The Economist,…).
88% des économistes britanniques s’accordent à dire que c’est une hérésie de sortir.
90% des chefs d’entreprises sont contre la sortie.
Tous les syndicats sont contre la sortie.
Oui, le Royaume Uni a survécu 2,000 ans hors de l’UE, mais ce n’est pas une raison pour dire qu’ils feraient mieux d’y retourner…
Quand au risque de contagion au reste de l’Europe. Je n’y crois pas. La Commission valide les conditions du divorce et ils vont tout faire que cela soit le plus sanglant possible pour le RU pour que les autres nations y réfléchissent à trois fois avant de vouloir faire une telle demande.
Quand aux Français qui se satisfont que les Anglais sortent, je pense qu’ils feraient mieux de regarder à quel point nous bénéficions du RU (1 millions de travailleurs français au RU, résidents britanniques qui font vivre l’économie locale de notre diagonale du vide, investissements directs, etc…).
Il n’est jamais bon de retenir quelqu’un qui veut partir !!!!
Ce Brexit, dont tout portait à croire, d’après les journaux pro-business, qu’il ne « devait » pas avoir lieu, reflète juste la survivance de l’euro-scepticisme au Royaume-Uni. La part d’irrationnel aura comme toujours été portée à son zénith. L’argumentation posée aura laissé la place à la cacophonie. Quelle est la part de réponse stricte à la question posée par Cameron au peuple britannique ? Quelle est la part de « vote sanction », qui s’éloigne de la question purement européenne ?
Après une bulle spéculative du côté de la City, le krach actuel n’est que pure logique, dans le sens d’un rééquilibrage. Cependant il ne faudrait pas trop vite que les européens continentaux se « frottent les mains » suite à l’annonce, par exemple, d’HSBC de transférer ses activités de Londres à Paris, ou dans l’optique d’un renforcement d’Euronext suite à l’affaiblissement de la place boursière britannique ! Au-delà de quelques changements immédiats, souvent symboliques (rétablissement des frontières Eire/Irlande du Nord par exemple ou réhabilitation du Mur d’Hadrien), les principaux effets de ce Brexit ne se verront qu’à long terme. Comme disait le gentleman Keynes, « à long terme, nous serons tous morts ! »
God Saves the Queen !!