Les SUPER HEROS. Difficile d’y échapper ! Ils s’affichent partout : dans la publicité, dans les vitrines, au cinéma, sur les trousses et les cartables, sur les t-shirts des petits et des grands. Sur la peau tatouée des plus mordus. Sans oublier leur prise d’assaut des jeux vidéos sur smartphone, console, tablette… et plus si affinités.
Au départ, les Super Héros occupaient une niche, avec leurs fidèles « comics readers » avides de science-fiction à la sauce DC ou Marvel. A l’arrivée, nous sommes face à des super-productions hollywoodiennes depuis que les Studios Marvel ont été rachetés, en 2009, par The Walt Disney Company moyennant un petit chèque de 4 milliards d’USD. Mais comme dans tout business, pour qu’il y ait un marché porteur de super héros, face à l’offre il faut qu’il y ait, parallèlement, une demande de super héros. Si l’offre est généreuse, tentant de séduire tous types de publics – les gros bras s’identifieront à l’Incroyable Hulk, les intellos qui se projetteront davantage dans Superman ou Spider man, ou dans d’autres héros plus sophistiqués – la demande est également pléthorique. Elle est planétaire et reflète notre environnement social, économique et aussi géopolitique. Jugez plutôt !
Au plan socio-économique, l’accélération des modes de vie met la pression sur les individus, qui doivent « gérer » leur vie privée, faite de changements en série. Divorces, recompositions familiales, déménagements, « commuting » quotidien en mode marathon, intrusion permanente de la technologie, etc. Il faut bien quelques « super pouvoirs » pour s’en sortir ! A cela s’ajoutent de nombreuses contraintes et changements d’ordre professionnel : pression opérationnelle, changement fréquent d’emploi, remises en questions, réorganisations, flexibilité, lean management, pertes d’emploi, etc. Pas facile de garder la tête haute face à cette effusion de changements. A défaut, ce sont des millions d’individus essoufflés, laminés, candidats malgré eux au burn-out. Comment dès lors ne pas être tenté par une petite régression ? D’où ce grand retour en force des super héros, bouée de sauvetage existentielle. Restait aux entreprises dont c’est le métier d’utiliser leur génie marketing pour éviter toute ringardisation ! Au vu des chiffres du box office, le succès commercial des Super Héros – produits dérivés compris – est assez clair, même si le public peut parfois se lasser.
On notera aussi que lorsque l’économie libérale, basée sur la compétition au niveau mondial, s’abat sur les sociétés du monde entier, le super héros symbolise et idéalise à la perfection la réussite et la performance individuelle. Il incarne – y compris chez une Wonder Woman – les valeurs masculines du monde occidental, celle d’un modèle qui se veut aujourd’hui dominant. Pas de pitié pour les losers ! Le sympathique super héros nous rappelle alors gentiment que nous pouvons tous nous dépasser, progresser. Car il faut rappeler qu’à la base le super héros est un être humain normal… et libre de ses agissements, enfin presque !
Au plan géopolitique, il n’aura échappé à personne que l’évolution du monde reste scabreuse, que le rapport de force entre guerre et paix, entre amour et haine, entre violence et partage, laissent toujours à désirer. Ces tensions permanentes, qui régulièrement éclatent au grand jour sous forme de crise, de conflit, de guerre et de terreur, sont du pain béni pour les super héros. A l’heure de la réalité virtuelle, la confusion entre le réel et la fiction jouent à plein pour que le spectateur, adulte comme enfant, tombe dans le panneau du super héros, solution ultime pour nous sortir de l’ornière !
Que l’on soit Chinois, Américain, Français ou Bolivien, nos attentes et nos craintes sont communes, notre empathie globalisée. Nos portes sont donc grande ouvertes à la visite d’un Iron Man, d’un Thor ou d’un Batman. Car nous avons tous, c’est tellement humain, ce rêve un peu puéril de progrès et de vengeance, cette envie utopique d’un monde meilleur, apaisé. Mais crise de la représentativité démocratique oblige (qui n’est pas uniquement franco-française) il est assez improbable que nos élites nous viennent à l’aide ! Alors inconsciemment, tête baissée nous fonçons au rayon des super héros !! Eux au moins sont fidèles et ne nous déçoivent pas. Tels des animaux de compagnie, ils ne nous jugent pas. Et contrairement à bien des politiciens, ils ont le mérite de parler moins et d’agir plus 😉
Laurent