Tous électrosensibles ?

Parmi les « questions qui tuent » de notre mode de vie, celle de l’usage des écrans fait polémique. Elle touche toute la société puisque nous sommes happés de plus en plus tôt par ces étranges objets qui nous attirent comme des mouches avant de nous rendre accro. Avec les écrans, les effets sur la santé sont pléthoriques : sur notre vue, sur l’état de notre colonne vertébrale, sur notre comportement social, sur notre capacité à nous concentrer… et pour finir, sur notre boîte noire, notre cerveau !

Il est assez surprenant, tout d’abord, de constater combien ce cocktail impressionnant d’effets supposés délétères n’a jusqu’à maintenant eu que peu d’effets sur les décisions d’achat de consommateurs-moutons de Panurge que nous sommes tous devenus. Cela prouve bien qu’entre plaisir immédiat et besoin d’appartenance (entretenu par la propagande publicitaire) d’un côté et la retenue et la sagesse de l’autre, l’humanité toute entière semble avoir clairement choisi son camp ! Pour ma part, j’ai eu l’occasion – un temps – de résister aux modes, en matière de smartphone. Avant de finir par céder en 2015, alors que j’avais l’impression que l’immense majorité de mes congénères avaient craqué depuis fort longtemps. J’ai le malheur, ou la chance, d’assez peu utiliser le téléphone portable pour de longues conversations. Mais comme tout un chacun, il m’arrive fréquemment de « surfer » en mode Wi-Fi, avec mon bel engin un peu plus loin de mon cerveau que si j’utilisais la voix. Certes !

Un jour où j’avais un peu plus qu’à l’accoutumée dégainé mon smartphone, en fin de journée j’avais ressenti une petite céphalée. Pas une migraine, juste un léger trouble. Et je n’ai pu m’empêcher de penser à ces personnes dites électrosensibles. Ces hommes et ces femmes qui non seulement ne peuvent tolérer la présence d’ondes électromagnétiques de la téléphonie mobile, mais qui, de plus, sont physiologiquement inadaptées au smog des ondes de la vie « normale ». Ces personnes électrosensibles sont hypersensibles et doivent vivre recluses, ce qui n’a rien de très gai. Ces personnes représentent une minorité de la population : les sujets à l’EHS (électro-hypersensibilité) s’élèveraient, selon les estimations les plus pessimistes, à 2% de la population. Et à partir de là, vient de temps à autre l’éternel débat sur le principe de précaution, défendu notamment par l’association Robins des Toits et battu en brèche par les défenseurs de l’électro-business (pas les vendeurs de musique éponyme, quoiqu’elle puisse s’écouter via les ondes électromagnétiques, mais toute l’économie qui repose sur ces mêmes ondes, qui ont envahi notre quotidien).

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© Khalid

Comme pour l’affaire de l’amiante, du glyphosate, du tabac et tant d’autres, il peut être tentant pour certains individus de jouer sur la marginalisation des cas graves. Ainsi l’ouvrier du bâtiment surexposé à l’amiante, l’agriculteur surexposé au glyphosate, le gros fumeur… sont-ils montrés du doigt, pour symboliquement partager nos émotions entre compassion (les pauvres victimes) et relativité (heureusement, se dit-on, ce sont des cas isolés et fortement minoritaires !). Reste que cette simplification est peut-être abusive et trompeuse. Le focus permanent des grands médias – sensationnalisme oblige – sur ces pauvres individus surexposés ne nous dévoile pas forcément toute l’ampleur du problème. Revenons alors à nos chers smartphones, tablettes et autres produits connectés. Et si nous étions tous électrosensibles ? Et si, contrairement à cette vieille croyance scientifique, la dose ne faisait pas le poison ?

Aujourd’hui de nombreux scientifiques et médecins tentent de tordre le cou à nos a priori. Fermes défenseurs du principe de précaution (lequel exaspère si souvent les milieux économiques, impatients par nature), ils soulignent que la durée et la fréquence d’exposition, notamment chez les enfants, compte autant voire plus que l’intensité (la dose) d’exposition. Les grands médias, pour leur part, continuent allègrement de noyer le poisson, évitant scrupuleusement d’ouvrir les vannes de réels débats contradictoires. Pendant ce temps, les compagnies d’assurance semblent avoir choisi de ne plus assurer les risques liés aux ondes électromagnétiques. En cela elles se détachent de bien des prises de position, tant dans la sphère privée qu’au niveau des pouvoirs publics, habitués au laxisme !

Comme l’évoquait déjà l’ingénieur Jean-Luc Guilmot en 2008 : Dans dix ans, on s’étonnera sans doute des tarifs téléphoniques promotionnels offerts aux jeunes, des incitants des opérateurs à supprimer les lignes fixes à domicile et de la banalisation du wi-fi. Exactement comme on est scandalisé, aujourd’hui, devant ces publicités des années 1950 où des adultes offraient des cigarettes à de jeunes adolescents.

Laurent

 

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