Mr Smith au Sénat. Ce film de Frank Capra, avec le grand James Stewart dans le rôle principal, a été rediffusé lundi soir sur Arte. Ce film ne pouvait mieux tomber. En cette fin de mascarade démocratique où la politique américaine et son désolant spectacle ont tenu le haut du pavé !
Mr. Smith au Sénat (« goes to Washington », en V.O.) c’est l’histoire assez banale d’un jeune provincial de l’Oklahoma, Jefferson Smith, engagé dans la vie politique de son pays. L’ex-star locale du scoutisme, sans aucune autre forme de préparation à la représentation citoyenne, se retrouve un peu par hasard projeté dans l’antre du pouvoir fédéral américain. Très vite il découvrira les rouages de la préparation et du vote des lois. Très vite aussi, il côtoiera un univers fait où rôde la collusion entre intérêts publics et intérêts privés, la corruption de personnages véreux bien décidés à s’ancrer durablement dans le paysage de Washington. Ce cocktail vous rappelle-t-il quelque chose ?
Le comble de son effroi sera atteint le jour où il découvrira que son propre mentor en politique, un certain Joseph Paine, sénateur depuis 20 ans qui se trouve défendre un projet radicalement opposé aux idées de Smith. Smith se sentira cruellement trahi et trompé. Il n’aura servi que de faire-valoir.
Mr. Smith au Sénat, c’est aussi l’histoire d’un idéaliste et d’un humaniste qui heurte de plein fouet les petits calculs politiques. C’est aussi, d’une certaine manière, le rappel historique (le film de Capra date de 1939 !) de ces hommes politiques qui font figure de pantins, entre les mains (invisibles le plus souvent) d’intérêts économiques, au niveau local comme au niveau central.
Devant l’imposante statue d’Abraham Lincoln, la belle Jean Arthur (dans le rôle de l’attachée parlementaire Clarissa Saunders) met en garde Jefferson Smith sur décalage entre les belles formules gravées dans le marbre – et qui parviennent à émouvoir et transcender le jeune sénateur Smith – et les agissements du système politico-financier, qui pervertissent les belles idées autour de l’intérêt général. Un décalage qui rappelle, aujourd’hui encore, le gouffre entre la pureté des principes fondateurs de la démocratie moderne et l’impureté des pratiques quotidiennes. Film tombe à pic, alors que le journaliste Olivier Ravanello prédisait dernièrement l’implosion politique des Etats-Unis.
Et si le résultat du jour, en faveur de Trump le trublion anti-système, n’était qu’un signe supplémentaire de la crise de la représentativité démocratique, un peu partout dans le monde ?
Laurent
C’est si vrai… Très bonne illustration avec ce film.