Le paradoxe de Stiglitz

Joseph Stiglitz est un économiste « pas comme les autres ». Tandis que ses collègues sont les yeux rivés sur leurs modèles mathématiques complexes, estimations basées sur des hypothèses réductrices, Joseph Stiglitz a le mérite de lever les yeux et de regarder au loin et au dehors de la « petite fenêtre » de l’économie quantitative. Loin de la pensée dominante et de ses bureaux feutrés qui nous étouffent et nous entraînent vers l’abîme, le lauréat américain du Prix Nobel d’Economie 2001 au visage de « bon père de famille » a le sens de la formule.

– Première citation : « le marché laissé à lui-même ne peut améliorer son fonctionnement ». A méditer, à une époque où l’on confond souvent réformes réfléchies et purges expérimentales, dans l’urgence. A méditer aussi à l’heure des grandes manœuvres trans-atlantiques ou trans-pacifiques à visées ultra-libérales (« marché laissé à lui-même »). Négociations TAFTA alias GMT, etc. Jeunes parents en quête de stratégie éducative, posez-vous la question de savoir si vous laisseriez vos chers bambins s’auto-réguler ? Pour quels progrès, quel apprentissage ?

Difficile aujourd’hui de douter des vertus de la liberté d’entreprendre, de concurrencer et d’innover. Mais autant être pragmatique et prudent lorsqu’on joue avec le curseur « régulation/libéralisation » ou lorsqu’on rogne la défense des « parties faibles » du contrat. Si le marché était en concurrence « pure et parfaite », cela se saurait. N’en déplaise aux héritiers d’Adam Smith aux lectures incomplètes.

– Deuxième citation de Stiglitz, probablement la plus fameuse : « le pompier-pyromane » à l’égard du Fonds Monétaire International. Car le FMI, ce « machin » (comme aurait dit De Gaulle) sensé prévenir des catastrophes monétaires dans un système hyperconnecté, est réputé pour ses saignées locales dont le bénéfice global touche davantage les grandes entreprises et les grandes banques internationales que les PME, les artisans, les agriculteurs et les citoyens lambda.

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Nos confrères d’Un blog sur la planète énoncent le grand paradoxe de Stiglitz : « Que nous dit Stiglitz ? Que le FMI, véritable pompier-pyromane, impose des politiques qui détruisent les agricultures des pays émergents en les mettant en concurrence avec les produits subventionnés du Nord. Qu’il fait passer les intérêts de son principal actionnaire, les Etats-Unis avant ceux des pays qu’il est sensé aider. Que les fonds consentis servent surtout à renflouer les créanciers que sont les grandes banques internationales, aider les riches du pays à faire fuir leurs capitaux et à enrichir les mafias. Que la libéralisation brutale des marchés de capitaux est très dangereuse car elle déstructure les économies et conduit à la crise. Que les pays qui s’en sortent, sont justement, la Chine en tête, ceux qui ont refusé les plans du FMI et ont su gérer leur transition étape par étape. Bref, que les institutions internationales font désormais partie du problème et non de la solution. »

Au fond, les réactions épidermiques d’aujourd’hui la Grèce, demain l’Espagne ou l’Italie, ne sont qu’une réaction de plus aux excès d’un système politico-financier déséquilibré et devenu sourd. Un système qui souffre de ses excès d’attention envers certains groupes de pression, au détriment de l’immense majorité de la population mondiale. Un avertissement à l’égard de tous les « machins » créés au siècle dernier : ONU, OMC, Union Européenne, etc. Ces institutions tentaculaires sauront-elles évoluer dans un sens plus démocratique ? Sauront-elles, comme le souhaite Stiglitz, quitter leurs dogmes et leur religion du chiffre ? Combien faudra-t-il encore de soulèvements électoraux, de manifestations, de « contre-sommets » mondiaux, d’Occupy Wall Street et autres déferlantes de citoyens indignés aux quatre coins du monde ? Combien d’atterrissages dans l’économie réelle, contre les délires des marchés financiers ?

Laurent

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