Au pays de l’autoflagellation, il est de coutume de penser que notre beau pays est « à la ramasse » par rapport à ses voisins en matière d’emploi. La preuve la plus flagrante ? Les chiffres du chômage. Une rapide incursion outre-Manche ou de l’autre côté du Rhin suffirait-elle à nous convaincre que nous sommes parmi les plus mauvais en matière d’emploi ?
Ainsi, officiellement, tout porte à croire que nos voisins de Grande-Bretagne et d’Allemagne seraient bien mieux lotis que nous. Ils subiraient moins, statistiquement, les affres du chômage, notamment dans ses pires formes : chômage de longue durée, chômage des jeunes et des seniors.
La Tribune, s’appuyant sur les chiffres du cabinet Xerfi, rappelle que la France reste bloquée à 10% de taux de chômage contre seulement 4% en Allemagne. Mais surtout, Alexandre Mirlicourtois, de Xerfi, nous dévoile un biais lié à la démographie et aux variations de la population active. On apprend que la France et l’Allemagne sont à jeu égal en termes de création d’emplois sur les 25 dernières années. On apprend aussi que la France est bien plus dynamique que l’Allemagne (mais est-ce vraiment un scoop ?) quant à l’accroissement de ladite population active. Sans oublier qu’ici les femmes travaillent structurellement beaucoup plus qu’en Allemagne. Match nul France-Allemagne. Et ailleurs ?
Au plan européen, en 2015 la France affichait au compteur de l’OIT 10,2% contre 9,6% en moyenne pour l’Union européenne. A l’heure du Brexit, le Royaume-Uni, comme l’Allemagne, affiche un taux de chômage flatteur (environ 5% soit la moitié de la France !) mais semble beaucoup plus carburer aux mini-jobs. D’après l’OCDE, 60% des jeunes en emploi aux Pays Bas ont signé un contrat de moins de 20 heures par semaine. 24,2% au Royaume Uni, et 17% en Allemagne. En revanche, en France, seuls 9% des jeunes en emploi ont des postes à temps partiel (données de 2014).
Ce très rapide tour d’horizon n’a qu’un but : pointer les différences de conception du marché du travail d’un pays à l’autre. Mais attention, en ne s’appuyant que sur les chiffres officiels, on n’est pas à l’abri d’autres surprises de taille. L’opinion publique est tellement sensible à ces questions qu’il est admis, de longue date, que le « window dressing » (petits arrangements comptables) est à l’oeuvre. Rien qu’aux Etats-Unis, autre pays souvent mis en avant pour son dynamisme économique et son quasi plein emploi (5%), le taux officiel exclut des bataillons de vrais chômeurs en chair et en os, mais qui ne rentre pas dans les critères statistiques !
Selon les calculs de John Williams (site Shadow Stats), le taux réel de chômage U.S. pourrait s’élever jusqu’à près de 23% de la population active (20/2017). De quoi relativiser un peu le complexe français en la matière ! A moins que cela ne soit encore un complot chinois, comme dirait Donald Trump, le nouveau chantre de la post-vérité 🙂
Laurent
C’est clair que l’on n’a jamais le détail des chiffres. Ils peuvent recouper une réalité bien différente. Idem pour l’inflation, avec un panier de la ménagère qui comprend une sélection bien dépassée aujourd’hui et n’inclue pas le logement par exemple… C’est bien de remettre en cause, parfois, les données qu’on nous assène avec une grande certitude.