Alors que le terrorisme revient faire de l’ombre médiatique à toute autre forme d’actualité – de la crise des migrants aux déboires de la loi travail – où sont passées les mères ? Où sont passées les mères de ces jeunes fous, simples délinquants hors de contrôle, que l’Europe libérale laisse sillonner les routes à destination du Moyen-Orient ? Quand nous étions plus jeunes, combien de fois nous moquions-nous les uns des autres, lâchant parfois un « va chez ta mère… ». C’était sans avoir conscience de l’importance de l’amour maternel… L’importance du respect des autres, l’acceptation des règles, du moment que l’assurance du refuge maternel restait en vue !
Pour ces jeunes issus de l’immigration et de l’exclusion, que sont devenues les mères patries ? Ces repères collectifs qui jadis servaient de guide et donnaient du sens aux jeunes générations. Mères patries, figures d’autorité qui guidaient les pas juvéniles, qui « filaient droit » ! A l’heure où l’urbanisation semble se généraliser, multipliant un peu partout ces tristes banlieues, où est passée une autre mère : mère nature ? Cette matrice qui, jadis, reliait les hommes au réel. Où est passée cette mère intransigeante mais aimante, qui forgeait les caractère face au dur labeur des champs ?
Voici la banlieue parisienne ou londonienne, foyer d’attentats en série. Des villes périphériques, marâtres déshumanisées, au cœur du laisser-faire et du désœuvrement. Une immense zone de non-droit, dénaturée, privée de la beauté naturelle. Mais qui donc peut vivre sans la beauté ? Dans la banlieue bruxelloise ou d’ailleurs en Europe, la situation est à peu près identique, désespérante de froideur, mortifère.
Des femmes se battent depuis toujours dans de nombreux combats urbains ou ruraux. Car les femmes, porteuses de vie, savent mieux que les hommes où se trouve l’essentiel. Comme si les hommes, incapables de porter la vie, n’avaient trouvé d’autre consolation que leur violence et leur esprit de compétition. En marge de ces petits jeux virils, il était une fois une leader de l’écoféminisme. L’indienne Vandana Shiva a su au fil des années entraîner derrière elle une horde réformatrice. Pour l’intérêt général – hommes et femmes réunis – de son immense pays. Sa grande sagesse nous rappelle la différence entre besoins et envies, entre nos manques essentiels et nos pulsions superflues, nos appétits de pacotille. Notre vanité moderne. Courageuse, Vandana ne craint pas les gros bras américains d’un Monsanto ou ceux de l’allemand Bayer.
Plus près de nous, en Norvège, Gro Harlem Brundtland, a beaucoup fait parler d’elle dans les années 1980, grâce à son rapport, intitulé « Notre avenir à tous ». Seule une femme pouvait écrire cela ! Seuls les hommes allaient récupérer l’idée du développement durable pour le décliner (business oblige) à toutes les sauces. Car pour ces messieurs, comme à l’heure de la récré, il faut bien pouvoir parader, épater la galerie ! Avec le développement durable, c’était la garantie de briller sur tous les médias… quitte à frôler le ridicule, avec la dérive du « green washing ».
Le monde politique et le monde économique sont traditionnellement machistes, laissant peu de place à la gent féminine. Pourtant quelques mères ont fait leur entrée dans les hautes sphères économiques. Et en politique aussi. A l’image d’une certaine Angela Merkel, souvent citée comme « femme la plus puissante du monde » ! Ce qui tranche avec son image intérieure de « petite mère ». Angela est devenue ministre de l’Environnement, de la Protection de la Nature et de la Sécurité Nucléaire en 1994, avant d’oser sortir l’Etat Fédéral de l’énergie nucléaire. L’histoire dira si elle a vu juste, à l’opposé de l’avis dominant de ses homologues français. Ses homologues parisiens, docteurs en physique comme elle, continuent de ricaner en cœur face à ce qu’ils considèrent, du haut de leurs certitudes du Corps des Mines, comme une vraie folie allemande ! Voyez ce charbon brûlé (sur fond de retour en arrière, avant de repasser – écologie oblige – dans quelques temps à l’éclairage à la bougie !) Mais ne voyez pas, messieurs les ingénieurs, tous ces investissements dans le renouvelable, dans le solaire, l’éolien, la biomasse et le stockage, autrement plus importants en Allemagne qu’en France.
Revenons justement, un instant, en France. La France aussi n’est pas en reste, au plan des femmes en politique. Pour être « in » ou pour flatter les égos de quelques coqs gaulois, la France a placé une incroyable succession de femmes engagées en politique. Le cas de l’environnement est assez symbolique ! Las, l’écologie reste de nos jours un sujet ingrat, aussi ingrat que les injonctions de la mère à son fils (« range ta chambre », « lave-toi les dents »…) Un sujet naturellement lié au temps long, peu compatible avec le temps court du rythme électoral. Ces dames vertes sont les bienvenues, mais à condition de ne pas fâcher l’autorité patriarcale du président. Pas étonnant, dès lors, que ce ministère féminisé connaisse un turn-over exceptionnel ! Jugez plutôt : Huguette Bouchardeau, à la tête de l’Environnement de 1984 à 1986, Ségolène Royal en 1992, aux affaires pendant 11 mois seulement ! Sans oublier Dominique Voynet ou encore Corinne Lepage, par ailleurs avocate environnementaliste. Plus récemment, on notera l’acharnement féminin, depuis 2012, avec pas moins de quatre dames à la tête de ce ministère à la dérive. Et l’acharnement de leur hiérarchie à les mettre à pied au moindre dossier brûlant !
Geert Hofstede, psychologue néerlandais, a défini comme indice de la culture l’orientation féminine et l’orientation masculine. Loin de la biologie et des relations homme-femme, Hofstede confronte des valeurs aussi opposées que complémentaires. A l’orientation masculine la parade, l’héroïsme, la compétition et la réussite professionnelle et matérielle. A l’orientation féminine l’harmonie, la coopération et la qualité de vie. D’après les observations du Docteur Hofstede, chaque société accorde une préférence plus ou moins marquée pour les valeurs masculines (ou masculinité) ou les valeurs féminines (ou féminité).
A l’heure où le capitalisme patriarcal et son rejeton, l’économie néolibérale et son rêve de toute-puissante (regardez TAFTA, l’OMC et les discours de Milton Friedman), semblent faire de la résistance, la coopération s’organise. Des hommes et des femmes qui tentent, humblement, de remettre un peu d’ordre dans la société. Peut-être pour réparer les nombreux dégâts de l’hyperconcurrence et de la prédation. Il n’est pas étonnant que l’équilibre entre valeurs masculines et féminines se retrouve là où s’équilibre le mieux l’économie, le social et l’environnement. Dans ces société discrètes et gagnantes d’Europe du Nord, notamment scandinaves. Dans des pays où le dogmatisme puéril a laissé la place au pragmatisme et au dialogue social constructif. Rien d’étonnant, dès lors, que ces mêmes pays soient aussi avancés en matière de protection sociale et de protection de l’environnement. Rien d’étonnant que ce développement harmonieux, ces performances éducatives et cette qualité de vie ! Si le doute persiste, il suffit d’aller faire un tour à Amsterdam ou à Copenhague. Ou de revoir le film Demain…
Laurent
Excellent article ! Seul un homme peut écrire cela avec sincérité. 😉
C’est tellement vrai que ces jeunes sont élevés dans ces banlieues froides, déshumanisées, loin de Mère Nature et de tout repère tangible. Comme le dit Pierre rabhi, apprendre à utiliser ses mains et son coeur avant toute chose.