Psychothérapie de Dieu

La psychothérapie a accompagné Boris Cyrulnik pendant toute sa carrière. Mais pour s’attaquer au sujet divin, il fallait oser ! La dernière œuvre de Boris Cyrulnik – tour à tour éthologue, thérapeute et écrivain – explore notre relation ambivalente à la spiritualité, la religion et, pour parler simplement, à Dieu. Pour le meilleur et pour le pire !

Adepte d’une pensée holistique ou « écologique » (au sens de l’homme dans son intégralité, en interaction avec son environnement), Boris Cyrulnik est plus proche d’un Spinoza que d’un Descartes. Rappelons que Descartes a lancé la grande mode de la séparation du corps et de l’âme, ainsi que d’une grande hiérarchie du vivant… faisant le l’homme un être supérieur (ce qui, admettons-le, reste discutable). Cyrulnik n’hésite pas, au passage, à dénoncer les dégâts de Descartes sur la pensée occidentale, en « silos », qui sépare les choses au lieu de les considérer dans leur ensemble. Et cette science étriquée qui « continue de creuser jusqu’au Prix Nobel ». Alors si l’on ne sépare plus le corps et l’âme, pourquoi ne pas prendre plus au sérieux la religion ? Ne plus la considérer comme une « maladie honteuse » ? Et relativiser l’importance des deux moyens dominants aujourd’hui de soigner les hommes : la pharmacie et la psychothérapie ?

Le sujet de Dieu mérite le détour, tant ce concept a pu être mis à mal, ou dévoyé, au cours des siècles derniers. Entre colonialisme et guerres, génocides et crimes en tout genres, « religion » économique et consumériste… la spiritualité serait presque devenue un tabou ! Elie Wiesel aurait inspiré à Cyrulnik le titre provocateur de son dernier ouvrage. Puisque Dieu va mal…rien de tel qu’une petite psychanalyse ! Il était temps que quelqu’un se penche sérieusement sur ce patient « pas comme les autres » !

Un patient pas comme les autres

D’après Cyrulnik, l’accès au divin se fait très tôt dans la vie. Il est intimement lié à l’attachement entre l’enfant et la mère (et accessoirement l’attachement au père). Dès lors que l’enfant apprend à parler, qu’il entre entièrement en communication avec sa mère, il va découvrir et comprendre la religion. Au fond, l’enfant, par amour de sa mère, va à son tour aimer Dieu. Indépendamment de sa culture et de sa religion. Car la religion, on aurait parfois tendance à l’oublier, est universelle. Tout comme l’affection.

Alors oui, au départ on est tenté de voir du bon, du positif dans ce Dieu. D’ailleurs ne dit-on pas que Dieu est Amour ?

psychothérapie de dieu

Certains enfants, à l’âge de l’adolescence, vont bouder la religion ou bien, pour « couper les ponts » avec leur famille, vont vouloir choisir une autre religion. Boris Cyrulnik, interrogé par des parents au sujet de l’éducation de leur progéniture, recommande une approche modérée, inclusive. Il met en garde contre les phénomènes de « barricades » ou d’endoctrinement, qui isole des autres religions (ou des non-croyants) et rend dangereusement intolérant !

Avec la Psychothérapie de Dieu, Cyrulnik n’hésite pas à mélanger les genres : la psychologie, le sacré et la science. Il déclare que la plupart des hommes et des femmes sur Terre sont reliés au divin, chaque jour, d’une manière ou d’une autre. Partout, le rituel du deuil relie les vivants aux défunts. Partout, on pleure ou on chante nos morts. Et pour pleurer, pour rester métaphysiquement, spirituellement connectés, rien de tel que la musique ! Pas étonnant à ce que la musique et le sacré fassent si bon ménage. Quitte à le mesurer grâce aux neurosciences.

En s’appuyant sur les recherches sur la mémoire et sur la linguistique, Boris Cyrulnik explique combien l’interprétation des grands textes sacrés est facile, combien les dérives sont presque inévitables. Car la plupart de ces textes utilisent un vocabulaire vieux de plusieurs millénaires et de nombreuses tournures imagées, notamment métaphoriques et métonymiques. A ne pas prendre au pied de la lettre !

Il est touchant de lire ou d’entendre cet homme de 80 ans nous parler des hommes avec autant de simplicité et de pragmatisme. Au travers de la Psychothérapie de Dieu, il y a beaucoup d’empathie et d’affection. Boris Cyrulnik ne plaide pas spécialement pour la religion comme le ferait un religieux ou, dans certains pays, comme l’invoquerait un personnage politique. Simplement, il ne nie pas le fait religieux et son importance, au quotidien, pour la grande majorité des êtres humains. La religion fait partie des différentes croyances, au même titre que les croyances profanes et scientifiques. A ce titre, la part du doute est vitale, car elle entretien la tolérance, elle maintien la possibilité de choisir entre telle ou telle croyance.

Au sujet de la science, ou plutôt des sciences, Cyrulnik nous fait remarquer l’étrange rapport entre celles-ci dernière et la religion. Il perçoit les sciences « molles » ou sciences humaines comme trop terre à terre pour accepter la religion. Comme si l’économie, la psychologie ou la sociologie craignaient ce gênant rival, ce pouvoir insaisissable qu’est la religion ! Inversement, il voit parmi les adeptes des sciences dures (mathématiques, physique, etc.) une plus grande capacité d’abstraction, de détachement du réel, ici et maintenant. Bref une plus grande capacité à accepter le surnaturel, le métaphysique et donc pourquoi pas… le divin ?

Laurent

 

 

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