Quel est le rapport entre le marché européen des quotas carbone et la fraude à la TVA ? La « carbone connexion », titre de l’enquête menée par Aline Robert. Cette histoire de méga-fraude a inspiré l’ex-flic Olivier Marchal, pour son nouveau film, « Carbone ». Benoît Magimel, en tête d’affiche, joue l’escroc imparfait, qui se lance à corps perdu dans un trafic international. Une série d’arnaques très juteuses, le « casse du siècle » d’après Aline Robert.
La création d’un marché européen des droits d’émission de CO2, opéré par Bluenext et siégeant à Paris, était sensée aider progressivement les acteurs industriels à réduire leurs émissions de CO2. Alternative à la très discutée taxe carbone, le marché des droits d’émission de CO2 était sensé fixer un prix aux rejets de CO2, un prix croissant devenant de plus en plus dissuasif, comme un frein à la pollution. Mais le film Carbone révèle surtout que Bluenext aura surtout servi les intérêts d’acteur malhonnêtes à l’imagination sans limites. Résultat, une escroquerie estimée à 10 à 20 milliards d’Euros tout de même !
Le coup du carrousel
Il existe une fraude à la TVA, dite « carrousel TVA ». D’après Wikipedia, « il consiste à créer dans différents États membres des sociétés qui réalisent entre elles des opérations fictives de revente à perte en se faisant à chaque fois rembourser les trop-perçus de TVA. Avant que les administrations fiscales des différents pays se soient aperçues de la supercherie, les sociétés fraudeuses ont disparu et les trop-perçus de TVA ont été détournés. » A l’aide de simples téléphones portables achetés à l’étranger, les escrocs ont créé une série de sociétés afin d’acquérir des quotas d’émission, dans l’Union européenne (de simples certificats), avant de les revendre et d’empocher au passage les 19,8% de TVA. Soit un rendement de presque 20% garantis !! Un placement juteux, qui combine un rendement exceptionnel et une courte durée de placement.
20% de gain en 2h
Le marché des droits à polluer est vite monté à la tête de quelques pros de la combine, entre 2008 et 2009. Antoine (Benoît Magimel) et ses complices, après avoir rapidement doublé la mise initiale de 5 millions d’€, culminent à près d’un demi-milliard ! Dans le sillage des traders, on retrouve le grand banditisme, la mafia, toujours à l’affût de diversifications pour son « business ». C’est ce mélange entre finance (trading) et autres trafics (drogue, import-export, etc.) qui sert de décors au film d’Olivier Marchal. L’astuce principale pour réussir chaque « coup » est l’auto-liquidation, autrement dit le dépôt de bilan. Et l’usage de fausses identités.
« Carbone », filmé par le plus célèbre transfuge français de la P.J., c’est aussi l’histoire de nos pulsions, de cette envie irrépressible de gagner rapidement beaucoup d’argent. Le film est noir et violent comme il faut. Il renvoit à l’histoire de ceux qui cherchent une revanche, un nouveau départ. Dans un style presque à l’américaine. Au final des hommes qui, tels des gamins, n’écoutent pas la voix – maternelle dans le film – de la modération. Mais cet argent gagné par effraction, à l’insu des pouvoirs publics – voire avec la complicité des quelques ripoux – rend vite fou. Une folie tragique qui repousse en permanence les limites… jusqu’à la chute, toujours fatale.
Laurent