Une religion prise en otage

Il suffit de s’éloigner un peu de France, à l’occasion d’un séjour à l’étranger, pour qu’au retour l’on ressente la lourdeur du climat social qui sévit chez nous. Comme si les perspectives économiques et financières qui nous entourent et nous inquiètent ne suffisaient pas, à nous autres Gaulois. Avec cette sensation que « le ciel allait bientôt nous tomber sur la tête » ?

Comme si la question cauchemardesque du chômage et des inégalités ne nous suffisait toujours pas, par Toutatis ! La France d’ajouter à ces problèmes universels et a priori relevant du pur domaine laïc, la question religieuse. Shocking ! Le problème qui aiguise toutes les passions mondaines, le voici, le « problème de l’Islam ». Religion « tête de Turc », mêlée au troublant échec national de l’intégration, et au défi récurrent de la délinquance.

L’Islam est dans tous les « mauvais coups ». Si vite que les commentateurs assermentés se ruent, souvent de bonne foi, sur les chiffres d’un probable lien statistique entre immigration, délinquance et Islam. Amen ! C’est plus fort que nous et notre raison cartésienne, rien n’y fait ! Comment, tous en cœur, catholiques, athées ou musulmans modérés, ne pas se laisser aller à pointer du doigt cette religion et ses dérives ?

Pour autant, peut-on aujourd’hui décemment réduire le mal français à un problème de religion ? Un problème d’importation, venu de l’autre côté de la Méditerranée. Les démêlés entre un pays fier comme un coq de sa laïcité, d’une part, et d’autre part, une religion exotique qui effraie. L’Islam, amalgamé et réduit à ceci : une croyance rigide, une culture autoritaire, passéiste, machiste, obscurantiste. Bref une secte porteuse de malheur, de mort et de terreur. Bienvenue au grand choc des civilisations !

Les raccourcis de ce genre sont aussi dangereux, injustes et inexacts que ceux utilisés contre les Juifs il n’y a pas si longtemps. Les médias dans leur plus grande partialité se frottent les mains sur ce fonds de commerce qui fait sensation (peur viscérale des « sarrasins »). Sûrs de leur coup et certains, au final, d’entretenir la division du peuple français. Diviser pour mieux régner et faire avancer une vision répressive, liberticide avec l’aide des dernières technologies de l’information.

Bien entendu, la question de la solubilité de l’Islam dans la république taraude plus d’un curieux. Et au café du commerce de Roubaix, de Clermont-Ferrand ou d’Aix-en-Provence, les pseudo-experts de surenchérir pour aller dans le sens général. Celui d’un nouveau consensus populaire. Du genre : la laïcité est malade, l’Islam est trop archaïque, les mosquées sont des lieux dangereux, la France est trop laxiste. Alors sortez les tracts… ou sortez de chez vous la peur au ventre, car l’ennemi rôde parmi nous !

Une France qui après s’être enthousiasmée dans les années 1980 pour la saga mitterrandienne, cette superproduction démagogique, n’a pas vu le petit jeu politicard qui a fait sortir de l’ombre le FN, comme épouvantail contre la droite républicaine. Une France trop occupée à jouer avec le feu, avec ses partenaires occidentaux, en Afrique et au Moyen-Orient.

Les « affaires étrangères » chères à BHL, le philosophe intronisé « envoyé spécial officiel ». Plus glamour et glorifiant, c’est sûr, que de rester chez soi à s’occuper sérieusement de ses banlieues à la dérive, bien avant les affaires Merah ou Koudibali. Entre un BHL et un Alexandre Jardin, deux visions de l’action citoyenne ? Hélas depuis plus de vingt ans on a fini par ancrer, animateurs de quartier à l’appui, toute une jeunesse paumée dans une posture victimaire, à renfort d’excuses historiques (guerre d’Algérie, colonialisme, etc.) et d’assistanat sans contrepartie.

Et pendant ce temps-là, dans les beaux quartiers et loin des dealers, on s’offusque qu’en pleine canicule une nouvelle vague d’incivilités, version aquatique, se produisent dans ces mêmes banlieues autour des bornes à incendie ! Bientôt on va nous refaire le lien avec l’Islam, il n’y a qu’un pas ! Sans oublier le goût réactualisé, médias occidentaux à l’appui, des barbus islamistes pour le haschich et pour les assassinats. D’où peut-être l’amalgame linguistique hachichins – assassins, en souvenir terrifiant de la secte des Assassins qui sévissait du temps des Croisades ?

Contre ce troublant fatalisme, des femmes essaient de se battre. Comme Fatima Mernissi, musulmane « née en 1940 dans un Harem à Fès ». L’écrivain anime des ateliers d’écriture pour les femmes et œuvre à éclairer les médias et les hommes politiques (et les femmes aussi !) sur la question de l’Islam. Loin de la pensée dominante et décliniste qui voit déjà revenir le Califat dans toute l’Europe, l’heure est venue de prendre le large. Et pourquoi pas, découvrir « Rêves de femmes », de Fatima Mernissi, mi-récit mi-conte imaginaire d’une enfance frondeuse.

reves de femmes

Laurent

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