La guerre de l’ennui

L’ennui est une plaie assez bénigne chez les adolescents, souvent, et chez les enfants, parfois. L’ennui fait partie de ces moments étranges ou précieux. Étranges ou bien précieux, c’est selon ! Moments étrangement ennuyeux alors que tout autour d’eux semble réuni pour chasser l’ennui. Mais aussi, moments précieusement ennuyeux pour réapprendre à se ressourcer, en mode récréatif.

Les solutions toutes faites pour nous distraire ou pour nous divertir tombent parfois en panne. En panne au sens propre, lorsque la porte du lieu de loisir préféré des ados reste fermée. La catastrophe ! En panne aussi au sens figuré, lorsque les écrans tactiles n’arrivent même plus à combattre la lassitude, le désintérêt, la perte d’appétit. Et si l’ennui était un énième « produit dérivé » de la société de consommation ? Car si les ados consomment loisirs et autres services récréatifs pour ne pas trop vite devenir adulte, un peu en mode « adulescent », c’est un peu leur façon de dire :  « courage fuyons ! » Comme si l’ennui était associé au stigmate de l’échec social ?

L’ennui du loser

L’ennui des adolescents peut se muer en bête affreuse, dans une fièvre de consommer davantage de ces moments qui tueraient le temps, donc tueraient l’ennui. Parce qu’il en faut de l’énergie pour chasser ce que le Robert qualifie de « mélancolie vague, impression de vide, tristesse profonde, lassitude morale, quand on ne prend d’intérêt, de plaisir à rien ». Mais le plus dur n’est certainement pas cet effort, celui de adolescents, pour se sortir de cet état apathique. Le plus difficile à réaliser, en fait, se trouve du côté de leurs parents.

Qu’il est pénible, souvent, de voir l’enfant devenu ado et pas encore adulte, ainsi désœuvré ! Que cette image est insoutenable, presque insupportable, indécente. Pourtant l’ennui n’est pas et n’a jamais été une maladie incurable. Le vide est même nécessaire, il fait partie d’une sorte de respiration naturelle. L’ennui préalable à l’inspiration, à l’introversion et au repli sur soi. Encore faut-il pouvoir de rester loin de la surexposition médiatique.

Bored

Car il est devenu bien difficile pour tout un chacun (alors imaginez, pour un adolescent hypersensible…) de disparaître un instant du radar d’Internet. Il est devenu si difficile d’échapper à cette pieuvre électronique, avec de toutes ses ramifications. Que ce soit en mode passif (vidéos) ou actif (jeux vidéos en ligne, conversations, etc.) La surexposition médiatique et, plus largement, la surexposition aux écrans, ces intermédiaires entre humains et mondes virtuels, peut parfois engendrer chez l’adolescent une sorte de vertige. Et cet ennui si paradoxal !

Loin des mondes virtuels, l’ennui peut aussi rejaillir juste après une phase d’excitation, d’enthousiasme entre pairs (soirée, sortie entre copains, etc.) Un vertige similaire, un ennui semblable qui étreint voire étouffe l’ado. Alors que faire ? Accepter cet état de fait, le temps que les sens retrouvent l’équilibre normal ? Ou repartir, dans une autre direction, mais toujours vers les autres ? A moins qu’un contact plus exclusif, qu’une vraie conversation avec un proche, ne soit la seule échappatoire ?

Finalement ce qui inquiète peut-être le plus les parents d’ados, c’est cette tension intense entre deux extrêmes. C’est ce besoin, ce désir permanent d’explorer de nouvelles limites. Ce mélange explosif d’imprévisibilité émotionnelle et d’insatisfaction quasi-permanente ! L’ado ne saurait-il pas faire autrement que de repousser toujours plus les limites ? Sans jamais arriver à gérer la sortie du train, une fois le « roller coaster » revenu à son point de départ ? Ce retour à un ennui qui rappelle l’ennui des enfants fraîchement rentrés chez eux, après une ou deux semaines dans un camp de jeunes…

Et s’il n’y avait pas, vraiment pas, de solutions toutes faites pour les parents à leur tour désœuvrés par l’ennui de leurs rejetons ? Alors, peut-être, seule la résistance à l’instinct de protection parentale demeurerait une piste à explorer.

Laurent

Une réflexion sur “La guerre de l’ennui

  1. Je crois aussi qu’il faut être vigilant sur ce qu’on peut prendre pour de l’ennui et qui ne l’est peut-être pas pas. Qu’est-ce que je veux dire par là? Enfant et ado, je passais énormément de temps à dire « je m’ennuie » et à m’entendre répondre « ben tu pourrais peut-être faire ci ou ça » ou « profites-en pour te reposer » ou « ah oui? et bien que voudrais-tu faire? »….sauf que moi je n’avais rien envie de faire, je n’étais pas forcément fatiguée non plus, mais je m’ennuyais ferme.. parce que j’avais besoin d’être stimulée et n’étais pas capable de trouver seule mes solutions pour m’occuper en raison de TROUBLES EXECUTIFS qui n’ont jamais été questionnés (la science n’en était pas encore là à l’époque!)! Donc, l’ennui compris comme ne pas surcharger ses enfants ou ados par des tas d’occupations imposées, ok, d’accord, mais l’enfant ou le jeune qui dit s’ennuyer, ça vaut la peine d’essayer d’en parler avec lui pour déceler si c’est du vrai ennui ou si c’est associé à un trouble neuro. Merci pour eux, les adultes qu’ils deviendront vous en remercieront!
    (j’espère que mon propos est clair ou du moins pas trop confus! ne pas hésiter à me demander des précisions sinon!)

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