La hiérarchie des genres

Dès qu’une idée ou un fait dérange un pouvoir en place, la mode actuelle est de taxer le phénomène de « théorie ». Dernièrement, on a oublié pourquoi, les grands médias ont usé et abusé de ladite « théorie du complot ». Cette formule agit astucieusement pour terrifier les masses et surtout, par son apparence très scientifique, pour mettre hors-jeu tous ceux qui ne pensent pas « correctement ». Les « théoriciens » seraient des hérétiques, en tout cas mécréants des temps modernes.

Autre déviance contemporaine, la théorie du genre. Ses détracteurs, situés très à droite sur l’échiquier, considèrent insupportable la remise en cause du postulat hétérosexuel et crient au complot de nouveaux suppôts de Satan, dans certains cours de l’école primaire. La théorie du genre fait partie des épouvantails médiatiques. Ces autres « théoriciens » seraient les nouvelles sorcières du moment, qu’il faut chasser à tout prix.

Et pourtant, il est possible de parler de genre sans s’offusquer prématurément. Aux États-Unis, certains états tolèrent de ne pas faire figurer son genre, féminin ou masculin sur un permis de conduire. Est-ce au cas où l’on souhaiterait changer d’avis sur sa propre identité ? Au cas où l’on considère la question comme trop personnelle, trop ambiguë ?  Alors qu’on peut comprendre les craintes suscitées par cette instabilité transgenre, en mode « où va-t-on ? », un petit détour historique nous ferait tous le plus grand bien.

Aux États-Unis et dans toute l’Amérique de Nord, la comparaison entre la société des « homme blanc » et celle des amérindiens est assez instructive. Du côté de l’homme blanc (et de son épouse), la société patriarcale repose sur une définition claire du rôle et du pouvoir de chaque genre. Aucune ambiguïté du genre masculin et du genre féminin ne saurait être tolérée. Et pour assurer le pouvoir patriarcal (celui des pères, donc), l’inégalité de pouvoir était organisée autour de mâles dominants et de femelles forcément soumises. Cette organisation rigide n’a pourtant pas toujours, ni partout dans le monde, été la norme.

Êtres aux deux esprits

Ainsi chez les Amérindiens, des êtres transgenres étaient tout à fait tolérés et même respectés, chez les Navajos ou chez les Illinois. Des guerriers et des guerrières, autant que des hommes et des femmes « au foyer ». On aurait identifié cette tolérance transgenre, aux antipodes du modèles patriarcal européen, dans pas moins de 155 tribus indiennes ! Ces personnes furent été baptisées par leurs contemporains « des deux esprits » (two-spirited people). Et ces hommes et ces femmes  étaient en fait vénérés dans leur communauté native american. Nounous, guérisseurs, sages, grands manitous… leurs compétences et leurs rôles étaient multiples. Leur identité élastique ne semblait pas gêner leurs voisins !

Laurence Hérault, ethnologue, a étudié des textes décrivant les mœurs ambivalentes de ces personnes, dans toutes ces tribus amérindiennes, nommées Berdaches. Des personnes qui « posaient problème moins parce qu’ils contrevenaient à la bi-partition des genres ou encore à “ l’hétérosexualité naturelle ” comme peuvent nous le faire penser les textes au premier abord, mais bien plus parce qu’ils opéraient un retournement de prestige et de pouvoir culturellement inacceptable« .

Berdache

De cette ambivalence et de ce non respect de l’ordre établi en aura découlé, comme on peut facilement l’imaginer, tout un arsenal de moqueries. Des interprétations fantaisistes et des descriptions peu glorieuses, reflétant la volonté des colons de se débarrasser de ces individus considérés comme des sous-êtres. Des sous-êtres parmi des peuplades elles-mêmes considérées, par les colons européens, comme des peuplades inférieures !

Laurent

 

2 réflexions sur “La hiérarchie des genres

  1. toujours ce « sale » besoin de hiérarchiser, de se comparer, de subordonner au lieu de coopérer, de se soutenir, de trouver la complémentarité, etc! à se demander si on sortira jamais de ce paradigme…

  2. Bien, il ne suffit pas de prendre une culture pour prouver l’intolérance de l’homme blanc par rapport aux autres cultures. Donc j’aimerais savoir, quelle est la position de toutes les autres cultures sur les trans ? D’ailleurs quelle est la position des amérindiens sur la masculinité/féminité ? Eux aussi, ont ils ce mot de « masculinité toxique » à la bouche ?

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