Georg Wilhelm Steller, médecin-botaniste-explorateur a vécu 35 ans. Une courte vie, pourtant riche en expérience, entre Allemagne et Extrême-Orient. Il a vécu au contact des peuples « sauvages » du Kamtchatka, notamment des Itelmènes. Le Kamtchatka est cette last frontier russe, au bout du bout de la Russie et non loin des côtes japonaises. Le Kamtchatka est réputé pour son inaccessibilité, ses conditions de vie difficiles, et sa nature quasi-intacte. On peut imaginer l’incroyable attrait d’une telle région il y a plus de deux siècles, pour tout scientifique un brin aventurier, à l’instar de Steller. Dans le sillage du danois Vitus Béring, lui-même bientôt suivi par un certain James Cook !
Les Itelmènes, peuple le plus ancien du Kamtchatka, ont une relation spéciale avec la nature, et avec le surnaturel. Leur dieu est symbolisé par un corbeau. Ils l’appellent Koukht, et c’est un dieu imparfait, mais tout de même créateur de l’Univers. Un dieu imparfait ? Comme l’est la vie des Itelmènes, leur évolution inachevée.
Car cette peuplade aux confins de la Sibérie, vit encore principalement de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Une vie si dure et si « imparfaite » méritait bien que le divin soit un peu tolérant vis-à-vis de ce peuple ici-bas. Il n’y a pas de soumission entre le peuple et son dieu. Les Itelmènes se moquent parfois de Koukht, poussant la dérision jusque dans l’au-delà.
Dans la société itelmène, l’honneur des anciens domine la vie quotidienne. Pas de mouroirs, pas d’isolement entre les jeunes et les « seniors ». Les anciens sont vénérés, tout comme le sont celles et ceux qui maîtrisent leur métier. Les travaux de Steller auront par la suite permis une tentative de restauration de la culture itelmène, au travers de la langue, des fêtes, danses, chants particuliers de ces autochtones du Kamtchatka. La population est estimée à seulement 1500 individus, mais il en aura fallu de peu pour que cette civilisation ne disparaisse totalement !
Il est curieux de noter que les Itelmènes ont des cousins, situés de l’autre côté du détroit de Béring, en Alaska. De part et d’autre du détroit de Béring, ce sont les mêmes difficultés, celui de « petits peuples » à faibles effectifs, écrasés dans leurs grands ensemble respectifs. Fédération de Russie d’une part, États-Unis d’autre part. Des peuples enracinés dans leur territoire respectif, dépendant de ressources précieuses comme les rennes et les salmonidés.
Mais depuis la pérestroïka et la fin du communisme, la trajectoire économique des peuples du Grand Nord n’a que très peu évolué. Le mode de vie et le niveau de vie des Itelmènes sont restés quasi-identiques. Ainsi l’élevage, la chasse, la pêche, la cueillette continuent d’assurer leur survie, suivant des moyens ancestraux.
Laurent