Procédurier est un adjectif qui colle assez bien à la peau de la culture américaine. Comme par une certitude, une intime conviction que si je suis dans mon « bon droit », il faut agir juridiquement, systématiquement, dès lors que mes intérêts sont menacés par autrui. Protectionniste est un autre qualificatif à rapprocher des États-Unis, malgré la légende qui voudrait que les États-Unis d’Amérique soient le fief de l’ultra-libéralisme et du libre-échange ! Avec l’administration Trump, le dogme protectionniste est à son comble. Une administration qui n’a pas froid aux yeux et que le ridicule ne tue point. D’où la recrudescence des pratiques dites d’extraterritorialité.
Comme le définit Wikipédia : « l’extraterritorialité est un principe de droit international public qui revient pour un pays à laisser s’exercer l’autorité d’un État étranger ou d’une organisation internationale sur une partie de son territoire propre. En France, l’extraterritorialité de certaines lois américaines a fait l’objet d’un rapport à l’Assemblée Nationale en 2016 par Pierre Lellouche et Karine Berger. Celle-ci est décrite comme posant des « difficultés » aux entreprises et personnes françaises. »
D’abord, l’extraterritorialité des lois peut être motivée par des soucis de lutte contre la corruption et de lutte anti-terroriste (Foreign Corrupt Practices Act et Patriot Act). Comme l’explique Jean-Michel Quatrepoint dans les colonnes du Monde Diplomatique : « Derrière cet arsenal juridique patiemment construit transparaît une volonté hégémonique. Aux États-Unis, beaucoup se vivent comme membres d’un peuple élu chargé de diffuser la bonne parole et de faire le bien. Ils estiment avoir une compétence universelle, au nom d’une vision universelle. Dès lors, les instruments de cette idéologie, la monnaie (le dollar), la langue (l’anglais), le droit (la common law, par opposition au droit écrit continental européen), ont vocation à s’imposer à tous. »
Mais parfois, les États-Unis, au nom de la protection de leurs intérêts, agissent tels de mauvais perdants. Alors, tous les moyens sont bons pour favoriser l’économie américaine, que ce soit sur le sol américain ou un peu partout dans le monde. La CIA, le FBI, la SEC (commission des opérations en bourse) et le DOJ (Justice) travaillent de concert. Les sanctions que l’administration US imposent au reste du monde sont dignes d’un « état voyou », en guerre économique, qui lutte à corps perdu contre son ineluctable déclin – notamment face à ces géants qui n’en finissent pas d’émerger et de s’affirmer, Chine en tête. Il semble qu’il n’existe pas de règle de droit internationale du point de vue américain, façon « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Seuls comptent le common law et l’action en justice.
Un dynamisme juridique qui fait passer l’Europe pour une entité poussiéreuse, lente et mal coordonnée. Jean-Michel Quatrepoint revient sur l’affaire Goldman Sachs dans le cadre de l’adhésion de la Grèce à l’Euro. La banque d’affaires aurait dissimulé l’état réel des finances d’Athènes : « si une telle chose s’était produite aux États-Unis, nul doute que la banque étrangère coupable aurait été poursuivie par les autorités locales ». On peut se demander qu’est-ce que freine l’Europe à agir. Est-ce la complexité de son organisation politique, moins agile qu’Outre-Atlantique ? Est-ce sa trop forte dépendance, héritée du plan Marshall et des liens (trop ?) étroits entre les nations européennes et l’Oncle Sam ?
L’actualité de l’accord avec l’Iran est un nouveau cas d’espèce. Côté pile, il affiche la sombre perspective de tensions économiques et militaires accrues, avec le risque d’une reprise en mains de Téhéran par la frange la plus radicale. Côté face, la rupture américaine – acte éminemment égoïste, en l’absence de preuves d’activités nucléaires militaires – pourrait n’être qu’un prétexte diplomatique pour permettre à Washington d’accentuer la défense de ses intérêts économiques. Cette nouvelle offensive américaine illustrerait le fait que, bien souvent, la meilleure défense, c’est l’attaque ! Laissant les Européens dépassés par les événements, tels des idiots du village mondial »…
Laurent