« Nous ne céderons rien à l’ironie ». L’ironie dérange l’ordre établi, y compris au sommet du pouvoir, un jour d’intronisation au Louvre. L’ironie fait réfléchir, notamment le récepteur du message. Elle renvoie à l’esprit critique, à la prise de recul. L’ironie, contre l’intégrisme, contre le fanatisme. Contre le dogmatisme aussi. Oui mais l’ironie dérange. L’ironie ressemble bien à l’amorce d’un contre-pouvoir, accessible à tous.
Sébastien Le Fol, dans le Point, rappelle que d’après Guitry : « redouter l’ironie, c’est craindre la raison ». Pratiquer l’ironie, c’est se placer sur le fil du rasoir, en équilibre instable. C’est refuser les lignes droites, les boulevards de la pensée unique. L’ironie donne accès à la nuance, à la complexité du monde. A la relativité, aurait peut-être dit Einstein !
Mais qu’est-ce qui peut bien énerver autour de l’ironie ? Est-ce la crainte, pour les personnes influentes, de se voir ravir son pouvoir ? Peut-être que refuser l’ironie permet d’agir plus librement et plus efficacement, au nom d’une mission quasi-sacrée. A court terme, nul doute que balayer l’ironie assure de plus grandes marges de manœuvre. Car autrement, laisser la parole aux ironiques c’est un peu comme revenir à Socrate et son postulat provocateur mais rempli d’humilité : « tout ce que je sais c’est que je ne sais rien ».
Dominique Pourquery, rédacteur en chef de The Conversation et auteur du livre « En finir avec l’ironie ? » est édité chez Robert Laffont dans la collection « Mauvais esprits ». Tout un programme. Une moquerie qui prend tout son sens lorsqu’on pose une seconde son regard sur le sous-titre : « Éloge d’un mal français« . Cette manière de se moquer en disant le contraire de ce qu’on pense s’oppose merveilleusement à l’esprit de sérieux. Et refuser l’ironie reviendrait à cautionner l’idéologie, à rester collé à ses certitudes. Alors tant pis si l’ambiance n’est peut-être pas à la grande rigolade, et que l’heure nous semble être grave !
L’ironie est une cousine de la raillerie. Elle se complaît à user de l’antiphrase ou de la litote. Ainsi, elle stimule nos sens en nous invitant à explorer le second degré. Mais elle peut exaspérer, elle peut être taxée d’antijeu, d’être l’instrument du sur-place et de la mauvaise foi. Pourtant l’ironie ne saurait être muselée. Personne n’a vraiment intérêt à la disqualifier. A peine lui fait-on prendre la porte, voici qu’elle revient par la fenêtre !
Laurent