Le mythe d’Icare, version 2018

La mythologie grecque surprend souvent les novices par son degré d’actualité. Comment des histoires écrites il y a deux ou trois millénaires peuvent-elles êtres encore si pertinentes de nos jours ? Quotidiennement, de nombreuses références sont faites à l’Antiquité, à ses légendes, à ses personnages héroïques. Parmi les mythes les plus célèbres, celui d’Icare, qui se serait brûlé les ailes en voulant trop s’approcher du soleil.

Le mythe d’Icare parle des hommes, de la transgression, de l’autorité, des relations entre parents et enfants. Fuyant le labyrinthe, Icare, de fils de Dédale, prend son envol à l’aide de ses ailes de plumes et de cire. Dédale le prévient de ne pas s’approcher de la mer, à cause de l’humidité, et du soleil, à cause de la chaleur. Mais Icare est grisé par sa fuite et son envol. On connaît la suite…

Dedale et Icare

Dédale et Icare

Le mythe d’Icare renvoie à notre orgueil, à la notion même de limites. Les parents sont sensés avoir une expérience de la vie et la partager avec leurs enfants, quitte à interdire. Ici le vol d’Icare se fait à l’encontre des limites fixées par Dédale, son père, ce qui cause sa perte. Chez les Grecs anciens, l’hubris était une forme de démesure d’orgueil inacceptable de la part d’un mortel. Toute prétention à une supériorité insolente parmi les hommes doit donc entraîner une punition cruelle de la part des dieux immortels.

Aujourd’hui nous pouvons aisément transposer le mythe d’Icare et l’hubris à la fièvre que suscitent certaines avancées technologiques, ou quand l’homme repousse plus que jamais les limites de son savoir et de son savoir-faire. Le rêve de toute puissance, héritière de l’orgueil d’Icare, pousse à vouloir aller toujours plus loin sans tenir compte de quelconque sagesse des anciens. Dans le cas par exemple des plantes transgéniques inventées par l’homme, la sagesse aurait voulu que l’on respecte ledit principe de précaution. Autrement dit, que l’on s’entoure de protocoles de tests suffisamment poussés et  rigoureux, avant de laisser les semences transgéniques envahir les champs et polluer irréversiblement la nature.

Légalement, en France, le principe de précaution a été défini et a même été élevé au rang constitutionnel. D’après toupie.org, « le principe de précaution est un principe philosophique qui a pour but de mettre en place des mesures pour prévenir des risques, lorsque la science et les connaissances techniques ne sont pas à même de fournir des certitudes, principalement dans le domaine de l’environnement et de la santé. » Mais dans les faits, le principe de précaution a été largement raboté et dévoyé lors du vote de la loi Barnier en 1995. Un flou juridique a été constitué, faisant gagner un temps précieux aux géants des biotechnologies. Et la science indépendante n’existe quasiment plus, d’où une série de biais cognitifs pour ne pas dire de mensonges organisés.

Le rêve d’Icare s’étend aux biotechnologies, à l’intelligence artificielle, à la voiture électrique ou encore aux ondes électromagnétiques. Bref à tout ce qui « fait rêver » les hommes en quête de puissance, de mobilité, d’éternité, passionnés de progrès technique et d’innovation.

Le rêve d’Icare s’étend aux biotechnologies, à l’intelligence artificielle, à la voiture électrique ou encore aux ondes. Bref à tout ce qui « fait rêver » les hommes en quête de puissance, de mobilité, d’éternité, passionnés de progrès technique et d’innovation.

Comme tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute, les technophiles en pleine crise d’hubris utilisent à la perfection le discours performatif. Que ce soit pour lever des fonds, pour une campagne ordinaire de communication ou pour s’adresser aux foules en quête de sens. Évidemment, l’hubris ne fait pas bon ménage avec la science, basée sur le doute plutôt que sur les croyances. L’hubris n’apprécie pas non plus l’ambiance morose de la post-modernité, qui veut que demain ne sera pas forcément meilleur qu’aujourd’hui, autrement dit que le mythe du progrès perpétuel n’est peut-être qu’un mythe et rien de plus.

Cela dit, Icare a trouvé ses successeurs. Ils sont partout, dans le monde réel et dans le monde virtuel. Dédale, quant à lui, n’a pas fini de se faire du souci pour sa descendance !

Laurent

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