On connaissait l’école buissonnière, ce souvenir d’antan aux odeurs de campagne et d’innocence, devenue expression pour signaler le refus d’aller à l’école, voire une envie d’apprendre « hors les murs ». Ce qu’on sait moins, c’est l’origine clandestine de l’école buissonnière, du temps de Martin Luther, école alternative – protestante, opposée au clergé catholique – qui fut interdite par le parlement. Si les écoles alternatives n’ont pas dit leur dernier mot, que ce soit pour des raisons spirituelles ou pédagogiques, certains poussent le concept assez loin et dès le plus jeune âge !
Ainsi à Biel/Bienne, en Suisse, Der bilingue Waldkindergarten Biel – autrement dit le Jardin d’enfants bilingue en forêt de Bienne, propose aux enfants de 4 à 6 ans une éducation « sans barrières » en français et en allemand. Une ouverture sur la nature doublée d’une ouverture biculturelle au cœur d’un pays, il est vrai, réputé pour sa conscience écologique et son multiculturalisme. Quel est le but de ce genre d’école forestière ? Il s’agit d’apprendre « la solidarité, le sentiment de sécurité et [renforcer] ainsi leur confiance en eux. »

Photo H. Flückiger
Les jardins d’enfant en forêt se sont développés en Allemagne et en Scandinavie à partir des années 1950. On est assez loin de ces crèches dans lesquels les enfants sont parqués entre quatre murs, avec du lino au sol et, au mieux, de la pelouse artificielle dehors.
A Wroclaw (Pologne), ulica Jaworowa, au quotidien les enfants n’évoluent certes pas en pleine forêt, mais la voûte d’arbres bordant la rue donnait des airs très bucoliques aux trajets pédestres quotidiens. Et le parc Skowroni n’est qu’à cinq minutes à pied. Dans cette école maternelle pas comme les autres, dirigée par Joanna Stankiewicz, entre séances de musique et d’anglais, les enfants vont régulièrement prendre l’air dans le jardin au sol sablonneux qui lui donne des airs de plage, ou de vacances, toute l’année.
Selon Sarah Wauquier, auteure du livre Les Enfants des bois : « La nature est un espace d’explorations et d’expériences sans limite. Un espace de jeu et d’apprentissage pour les enfants, mais surtout un outil pédagogique pour le développement de leur lien à la vie. Les trois buts principaux sont le plaisir de l’enfant, son développement intégral, et lui permettre de fonder une relation émotionnelle à la nature. »
Cette relation émotionnelle, ce sens du lien a fait défaut à des générations et des générations d’enfants dont la principale référence est le milieu urbain. C’est que le milieu urbain considère plutôt la nature comme une gêne (voir le traitement longtemps réservé, dans nos villes, aux arbres).
A force de passer du temps, tout simplement du temps, au contact de la nature et en petits groupes, les enfants apprennent le respect. Ils comprennent assez vite que nous sommes, nous humains, à égalité avec la nature. Exit le sentiment de supériorité ou le mépris.
Alors ces écoles des bois sont-elles symptomatiques d’un virage bobo ? Plus sérieusement, l’heure n’est-elle pas venue d’ouvrir les portes de ces écoles ? Dans l’espoir d’une « mise à niveau », façon formation continue, pour tous ceux et toutes celles qui ont perdu le sens des réalités.
Laurent