Caroline Audibert vient de publier « Des loups et des hommes », chez Plon. La philosophe et journaliste a bien connu le loup, dans les Alpes du Sud. En effet, son propre père a été l’un des tous premiers témoins, dans le Mercantour, du retour du fauve, en provenance des Abruzzes. C’était il y a 26 ans. L’histoire du loup est révélatrice de celle des hommes. Elle en dit long sur les rapports entre l’homme et la nature. Sur la notion de rivalité, de conflit et d’harmonie.
Mais le loup est un animal très intelligent et très organisé au plan social. Lorsque de jeunes loups sentent qu’il est temps de se séparer du reste de la meute, c’est un véritable essaimage qui se produit. Alors, des Abruzzes aux Alpes françaises, de nouvelles meutes migrent. Quel curieuse coïncidence que cette migration du loup et de celle de l’homme ! Sans doute, les médias racoleurs, jouant sur nos peurs, ont fort à faire avec l’interminable « sujet » de la « crise des migrants ». Un énorme fonds de commerce que cette question migratoire. Et le film « Libre » et son héros Cédric Herrou, berger hospitalier volontairement borderline, n’infléchira probablement guère le cours de cette histoire géopolitique et transfrontalière.
Les loups, eux aussi, sont capables d’une étonnante mobilité et d’une vraie capacité d’adaptation. Comme les hommes, ils ont besoin d’espace, de grands espaces, pour se développer. Et si besoin, ils peuvent migrer sur plus de mille kilomètres. D’ailleurs après avoir semble-t-il franchi les Alpes du Sud, les voilà en pleine remontée vers le Nord. En France, le loup est présent dans de nombreux départements de métropole. L’expansion du loup est liée à la déprise agricole, aux efforts de protection de la nature mais aussi à l’abondance de gibier. Car le loup, contrairement à l’homme, n’a toujours pas de garde-manger !
Avec le retour du loup, revoilà les vieilles peurs d’antan, quoique ces craintes semblent avant tout concerner une population bien spécifique : celle des bergers. Il faudrait demander au plus accueillant des bergers de l’arrière-pays niçois, dans la vallée de la Roya, ce qu’il pense de cette autre migration. Cette nouvelle invasion des loups.
Cédric Herrou, lui-même éleveur, poursuit cette tradition si structurante, celle qui consiste à produire notre propre nourriture. Car c’est depuis cette époque, avec l’explosion démographique qui s’en est suivi, que l’homme est devenu un vrai rival pour le loup. Certes il serait facile, presque démagogique, que d’affirmer le contraire. N’est-ce pas le loup qui est un rival de l’homme ? Question de point de vue ! Il semble bien que d’une vie harmonieuse nous soyons passé à une vie davantage conflictuelle avec notre environnement.
Alors revoilà le loup. Au secours, nous les hommes ne savons plus comment nous y prendre avec un tel fauve, pourtant protégé par une convention internationale. Pourtant, la rivalité entre l’homme et le loup cache une autre réalité historique. Celles des peuples nomades qui ont su vivre en harmonie avec ce grand prédateur. L’empereur mongol Genghis Khan avait choisi le loup pour emblème. Par ailleurs, ne faut-il pas rappeler que canis lupus lupus est certainement le premier animal domestiqué par l’homme ? La vérité du loup demeure une vérité qui fâche. En France peut-être plus qu’ailleurs dans le monde.
Laurent