La propagande est une forme massive de mensonge. Un mensonge systématique, qui déforme la représentation de la réalité jusqu’à priver totalement ses victimes de clairvoyance. Mais la propagande a des relents d’époque passée, du temps de la guerre froide notamment. Dans le roman 1984, l’auteur George Orwell nous donnait une image terrifiante de la manipulation des masses. Cette dystopie reposait sur un trucage permanent de l’Histoire. Un mensonge institutionnalisé. La fiction présentée dans 1984 ou dans le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley se veut parfois un avertissement ou une tentative d’anticipation sociale. D’où parfois cette impression que la réalité se rapproche dangereusement de ces chefs d’œuvre de science-fiction !
Aujourd’hui encore, alors que plane au-dessus de nos sociétés le spectre de la post-vérité, une lecture à la lettre des informations télévisées – ou celles diffusées sur Internet – peut avoir des relents de propagande. Le bourrage de crâne, à base de répétition en boucle du même type d’informations et de pseudo-décryptages, semble parfois nous replonger dans ces dystopies écrites au siècle dernier ! Mais il y aurait pire. Pire que la propagande ordinaire.
Car la propagande, comme tout mensonge organisé, se repère à distance. Il suffit de s’éloigner du pays-cible (disons la France, les États-Unis ou la Russie) pour déceler la propagande, découvrir la tromperie. Alors que la propagande semble être et avoir été l’apanage des gouvernements totalitaires, une nouvelle forme de manipulation s’est développée. Les effets de « com », le baratin, l’enfumage sont légion en démocratie libérale.
Cet autre genre de déformation de la réalité foisonne notamment dans la sphère politique et dans celle de la publicité. Comme si, au fond, la démocratie moderne – malgré les grandes vagues de transparence de ces dernières décennies – n’avait pas réussi à nous extirper du mensonge et de la manipulation.
Aussi, le bullshit politique, d’après Sebastian Dieguez (auteur de Total bullshit en 2018), « prête le flanc à la moquerie, l’ironie, le pastiche. » D’ailleurs, les journaux satiriques font leur beurre des excès de zèle rhétorique et des incohérences des pros du discours. Est-ce parce que nous sommes surinformés, dans une sorte d’empathie globale, que nous ressentons cette une immense frustration face aux nouvelles du monde ? Si le bullshit est si contagieux, y a-t-il encore des moyens de s’en sortir ?
Laurent